Stéphane Korvin l malgré tout

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malgré tout (sur les dessins de Philippe Vandenberg)





avons-nous les mots ?

la peau ne dort pas
dans l’angle cela crie
« il me faut tout oublier  »
tout renoncer, sans cesse reconfigurer le corps, l’espace, les membres
la tête ne dort pas

sur la paroi
l’angle, l’arrête vive
cela crie la répétition
et décale sans cesse « il me faut tout oublier  »
on va àla mort
la matière est là
les mots : manque, mobile, tendons

la peau du vide
les mots manquent
répéter ne suffit pas
d’une certaine façon nous sommes vivants
c’est un rapport àla matière cette tentative scandée
où l’on va avec toutes nos erreurs
nos mains, nos accidents, nos croix

les surfaces enregistrent
il faut tout perdre
même soi, surtout soi, en allant

déprendre malgré
avec les traumas malgré soi

l’attente, secoue-moi
retourne-moi la peau
les mots, le vide
déprends-moi, je ne contiens plus

parlant du sexe, l’on parlait icône, lâcher prise

il y a la peur, le temps de la forêt, la solitude làbien àplat, face àla paroi des mots
face contre mots
avec les signes
où sinon vivre
avec les chiens

accéder au temps
murmures voix et cris
silence, gisements de silence
les couleurs fabriquent
écrivent avec des mains d’orme

le temps sale
dehors, dedans
àregarder de près
le temps sale, plaie
l’étuve, le corps
la tentative du sol, du ciel
pour encontre, répétant le dessin
fuyant l’image

matière en motion c’est la phrase
quand elle prend sur soi d’en aller

la folie de ne pas pleurer

des encablures de phrases câblées àquoi ?
la solitude, longtemps le chemin de croix
la lente fréquentation de l’incarnat
la boucle des mots jusqu’au vestige des mots
le bouleversement « il me faut tout
oublier  » visitation, crucifix
histoires plantées là

avec les restes posés là
bois, orme, sangles
un trou noir àchaque fois
pour oubli
en regard
la masse àfabriquer
l’absence
sur la planche àdécouper
fait bloc


le détour pour voir
avec l’orme, l’ange et le chien
quand cela arrive
l’absence
n’aboyez pas

la vie n’est pas stable, perpétuellement elle penche
vers le temps
imprévisible
mal en tête
comme foutue d’avance

peindre àmême la peau
d’après la peau, d’après l’orme en cire
peindre la réserve intranquille de l’homme
la peur, l’attente
la sculpter, aquareller son derme
bois ou bouts d’homme
nous sommes fragiles, os
fragments oubliés
liés à–

l’orme ou l’homme, la mort – ce sont des équivalences
le temps n’est pas très stable, il fuit
c’est tout un, l’espace que formulent
le temps, l’arc
la circulation des mobiles
àl’intérieur
nous sommes avec la peur
le dessin, la peau cousue-main

cela ne suffit pas

il faut continuer
malgré tout

25 mars 2014
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