Un cours de latin initiatique aux Beaux-arts de Paris

rencontre avec M.. Brion à la Librairie Texture : lecture. Participation de Thelma Cappello (dessins). Librairie Texture 94 av. Jean-Jaurès - 75019 - Paris. le mercredi 16 janvier 2019 à 19 h 30. Pour la parution de "l’a la le".

rencontre avec Gabriel Gauthier à la Librairie Michèle Ignazi : lecture de "Simurgh et Simorgh" le mercredi 13 avril 2016 à partir de 19 heures, 17 rue de Jouy 75004 Paris (métros Saint-Paul et Pont-Marie)

Si les éditions bilingues conduisent notre lecture à une comparaison entre, à gauche, la langue source ; à droite, la langue cible... Si, de l’une à l’autre, le vis-à-vis nous dispose à chercher ce qui s’est perdu dans la « traversée » ... Dans "Simurgh & Simorgh" il n’y a ni source ni cible, et donc ni perdant ni gagnant à un jeu dont aucun des deux partis ne court le risque d’être dupé par l’autre.

Nous avons souhaité que cette contribution autour de l’ "Intraduction" soit l’occasion de faire connaître un autre aspect du travail de Gabriel Gauthier.
Avec M.. Brion, tous deux en troisième année aux Beaux-arts de Paris, ils ont entrepris de



FAIRE UN COURS DE LANGUE

par Mia Brion et Gabriel Gauthier

Depuis janvier 2016, nous proposons un cours de latin initiatique aux Beaux-arts de Paris : un niveau grand débutant intermédiaire (avancé). Il n’y a qu’un seul niveau, qui n’est pas *que* grand débutant, et qui est sans pré-requis.
Nous n’avons pour qualification qu’un enthousiasme commun pour une pratique contemporaine du latin et un certificat d’études montrant les sept années de latin faites en une à la khâgne du Lycée du Parc. La conception ranciérienne de maître ignorant nous donne la qualité de professeurs de latin.
L’étymologie est un après-coup réactivable d’une langue, force d’inertie du langage, devenue clé dans le contexte contemporain de l’art. Aussi devons-nous notre présence aux Beaux-arts à cette pratique, intensive (fichage, thème et version hebdomadaires) et extensive, inclusive au langage (nous sommes toujours très à propos de celui-ci) : comme Verrès est un préteur qui doit rendre ce qu’il a pris, nous voudrions rendre ce que nous empruntons continuellement.

Néanmoins se pose, à l’aune de la suppression progressive des classes préparatoires et des langues dites mortes avec elles, la question de la tension à enseigner le doublement millénaire dans une école à qui on reproche ses ruines. Et c’est sans être réactionnaire mais dans un effort d’anticipation que nous cherchons à raviver une lingua toujours franca : preuve en est, les cours d’anglais, ça va cinq minutes pour progresser ; le latin est un espace à digression, et par ces digressions des leçons où chacun-e trouvera ce qu’il ne savait pas encore chercher.
Explorer du mot, c’est faire du levier, mettre en perspective une pratique plastique du langage : le substrat cratylien de l’adéquation entre un mot, ses matériaux et sa forme nous intéresse comme espace à investir : la table-plane-stable.
Cette exploration est spatiale, et donc étymologiquement temporelle, et nous prenons volontiers la comparaison entre le latin et le voyage interstellaire : aller d’une étoile-signe à une autre, par quelque trou de ver, à l’attraction permettant des raccourcis éclairants, super-posés quantiquement à la physique étymologique.

Ainsi, mettre ensemble l’idée que « feu le latin » équivaut au « latin le feu ».

LE LATIN COMME MEDIUM

Notre intérêt est donc entre la séduction (se ducere : tenter, dérober, voire guider « se », reflet du sujet) et la traduction (trans ducere : guider à travers). Cette dernière souvent mise dans le jeu de mots très Jean Paulhan traduction trahison (« traduttore, traditore »), que nous voyons comme des plus fertiles : en effet, les constructions empiriques, hasardeuses et trahissantes faites à partir du latin sont une part importante du parc sémiotique actuel (gallicismes, latin de cochon, etc.).
Et dans ce parc, plusieurs activités s’offrent à nous : démontage et remontage de textes, tendant à une pratique d’accrochage et de vernissage du langage : expo Champollion, en conclusion de son workshop en Égypte.
Aussi, jusqu’où irons-nous avec votre (notre) patience, pourrions-nous (pourriez-vous) nous (vous) demander : expérimenter les limites de cette patience (et de l’allusion à cet idiome cicéronien) nous semble être un axe intéressant.
L’idiome que nous considérons clé, faisant partie d’une plus grande phrase ne venant d’aucun auteur latin, est « [...] praedam fecerunt » : ils firent du butin. Praeda,ae c’est aussi la proie : suivez nos regards.

Mettre ses mains dans le langage et hacker (butiner) dans la langue : face à la non-nécessité, dans une école française, d’enseigner le français, peut-être faudrait-il apprendre celui d’après, du moins voir ce qu’on peut faire.
Deux faiseurs de butin nous inspirant sont Bouvard & Pécuchet (Jouannais, ce copieur). Des souvenirs de prépa à leur survenir, comme ces héros de Flaubert sautent d’une pratique à l’autre après l’explosion, nous considérons le latin comme hypertexte du français : vague (vague) sur vague (vague) sur vague (vague) : une esthétique de la digression comme anticipation sur la progression.


M.. Brion et Gabriel Gauthier

30 mars 2016
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