Benoît Artige | Figures libres, Théo Sarapo

Malgré les cinglants démentis que lui avait infligés la vie jusque-là, elle croyait encore au grand amour, se tenait fermement arrimée à cette espérance comme à son siège de caissière, duquel elle pouvait, tout en scannant les articles qui défilaient sur son tapis roulant, jouir à loisir de la vue sur le cabinet paramédical, de l’autre côté de la rue, qui avait été autrefois le salon de coiffure du père de Théo Sarapo et dans lequel celui-ci avait lui-même travaillé avant de devenir le mari d’Edith Piaf - les plus anciennes clientes de la supérette se rappelaient avec émotion du concert qu’ils avaient donné tous deux ici même au bénéfice de la caisse des écoles, de quel beau, même si bizarrement assorti, couple ils formaient alors - et à la seule évocation de ces deux noms réunis, elle sentait renaître en elle une passion jamais complètement éteinte dont l’objet encore inconnu ne tarderait pas à se faire connaître.

17 mars 2020
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