Lucie Taïeb I ce jour

nous n’avons rien d’autre
àregarder que
les astres tourner

par la fenêtre
cette lumière
soleil de jour
lune de nuit

si rien ne nous lie
nous tombons

je ne te vois pas vieillir
ils tournent autour de nous

si une pierre est précieuse
porte-la àton cou

*

j’ai laissé La tempête dans une maison où je ne reviendrai pas.

Dans les contes de Pouchkine les vents rugissent et mugissent et les

preux chevaliers sortent de la mer, tout ce que disent la tisseuse et la

cuisinière, Babarik la Commère existe en fait il suffisait -

dans la clarté nocturne au loin les collines (ce sont tes Lilas, peut-être)

rappellent d’autres, embrasées une nuit d’été, on voyait la fumée au loin, la
forêt tout en feu.

certaines fois "ce jour" n’existe pas car il est trop relié, faisceau de veines jaunes, électrisées, vibrantes, temps qui circule et charrie les images et les souvenirs tout se mêle c’est alors que vient ce flux et malgré les voix dans la pièce voisine "ce jour" disparaît.

il y a les bons et les mauvais.

*

il y les bons et les mauvais

fossiles une femme armée jusqu’aux dents

des hommes en peau dépècent un hippo-

potame et je ne sais pas ce que sais,

"la vie nue", se soucier de ceux que l’on dit

proches le vieil homme, ironique, disait toujours

"merci ça ne coà»te rien ou

merci c’est gratuit" ça voulait dire : àceux que l’on

remercie on ne donne

rien d’autre.

****

rêve d’un estuaire

dans le pacifique

entre l’inde et les états-unis

la géographie est libre

le fleuve n’avait pas de nom mais des reflets

mauves puis vienne avec le vieil homme, fatigué,

il faut retourner aux lieux que nous aimons

ceux qui existent, les autres, rien de profond

rien de grave, ce jour, des bris de verre

dans la cour écris-tu

àton ami mort ?

***

nager c’est àl’horizontale

quelle vulnérabilité te chiffonne davantage,

celle de ton corps politique, l’autre ?

nager c’est àl’horizontale

àrépéter devant la fenêtre grand

ciel dont la couleur importe peu grand ciel

rêve de bagouzes et encre gris bleu,

si nous apprenons àvoler -

***

l’antenne oscille dans le vent métallique

c’est un printemps silencieux,

froid, ils jouent au foot avec ce ballon

de fortune, parlent de la sampdoria

et la mer au loin les grenades

de cet automne les nasses les masques les nouvelles

l’énergie couve de la colère de la révolte rien

n’est résolu, dans les rues un homme sifflote

"on est là" et quelqu’un reprend le même air lorsque

le premier s’arrête

***

Passe un autobus vide

les rues résonnent

des cris de joie

de lutte des derniers mois il suffit

de se souvenir ils sont tous

toujours làune camarade

d’école àla fenêtre en aperçoit une autre et crie son nom

"ils sont encore en vie, ceux que nous aimons", puis
"nous aimons tous ceux qui sont encore en vie".

***

Une mésange
sur l’antenne
où sont
passés les humains ?

L’air devient beaucoup plus respirable.

David Hemmings ce matin s’est, de nouveau, fait happer par le paysage. A la minute 17 on entend les arbres frémir.

https://www.youtube.com/watch?v=WhxK3oRIhCQ

Sur une photo, chez moi, par grand ciel clair Dominique D., de dos, regarde par la fenêtre.

Il n’y a pas de moment pour savoir
commencer
àprier.

19 mars 2020
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