Emmanuel Régniez | La lumière, le silence & l’envol

Et elle me dit
Montre la lumière
Cesse de te cacher
Derrière les ombres
Et elle me dit
Me passant la main sur la joue
Montre la lumière
Laisse aller la lumière
Et je laisse venir à moi
La lumière de sa nudité
Cette pureté
Cette tendresse
Inévitablement
Irrésistiblement
Merveilleusement
Intraitablement
À quel moment
Se détache
La mélodie
De la nudité
Et elle me dit
Montre la lumière
Elle me passe la main sur la joue
Tendrement
Et elle me dit
Main sur la joue
Regarde mon corps nu
Pour toi
Et je me dis
Que je dois laisser venir
Ce silence
Cette nudité
La nudité est le silence
Toujours recommencé
Toujours venant
Toujours enveloppant
À quel moment
Les yeux s’attachent
À la mélodie
De la nudité
Et elle me dit
Montre la lumière
Et je te montre
Ma nudité, mon silence
Et elle me dit
Joue caressée par la main
Montre la lumière
Et laisse toi porter
Et je laisse la nudité
De son corps, de son corps silencieux
Venir
Venir à moi
Inévitablement
Irrésistiblement
Merveilleusement
Intraitablement
À quel moment
S’attacher, oui
À la nudité
Mélodique
Et elle me dit
Que la lumière soit
Et elle s’offre, s’ouvre
Nue, complètement nue
Et elle me dit
Main, joue, caresse
Regarde, de tous tes yeux
Ce que je t’offre
Et je me dis
Qu’elle m’offre
Le monde
Tout le monde
Encore & encore
Toujours & toujours
Oui & oui
Je la veux
À quel moment
Ma main
Se posera
Sur son sein
Et laisser les paroles nous envelopper
Et laisser la parole nous recouvrir
Couverture chaude et réconfortante
Pour un monde meilleur et plus doux
Ta langue, en écho
Ta langue, ombre du souffle
Ta langue, silencieuse et radieuse
C’est une seule et même aventure
Se taire, ne plus parler
Ou bien parler en silence
Ouvrir la bouche et laisser sortir la langue
Écarter, délicatement, les lèvres
La langue réinventée
Ma langue contre ta langue
Dans le plus grand des silences
Et le souffle, en écho
Recherche du visage de la langue
Yeux fermés, mélancolie secrète
C’est comme si c’était moi
Au moment où elle commence à bouger
La langue qui ne se montre pas
Qui court, invisible, sur la crête
Qui semble ne pas exister
Qui a à peine le temps d’exister
La langue ne réclame aucune parole
Elle supporte, comme elle peut, le silence
Le silence des yeux et des lèvres
Et au loin s’écoule la mer
C’est un instant comme la langue est blanche
Sans plus personne, sans plus de mots
Tout semble précéder et déborder les lèvres
À l’origine d’où vient le monde
La seule marque de la langue
C’est le manque, oui, le manque
Toujours de toi
Oui, toujours de toi
Ecoute le monde
Son chant, ses louanges
Une nouvelle maison
On y entre en silence
La langue passe par les morts et les vivants
La langue se confond et se mélange
C’est ici, ici, ma patrie
Sans fin comme le moule forme le silence
Impression de voler, de survoler
De ne plus être habitant de la terre
De ne vouloir que ta langue
Seulement ta langue
Retrouver ta langue et tes lèvres
Les vibrations du corps, de l’âme, de l’esprit
Etrange comme les rapports tiennent
Et avec toi rentrer dans l’éternité
Le souffle et l’espace
Lieux pour se retrouver
Pour retourner au monde
Rien d’autre qu’une langue
Rien d’autre que ta langue
Un léger vent, une brise
Sortir léger, poussé par le souffle
Au jour nouveau, neuf
Où les apparences s’estompent
Et je sais ta langue
Comme une nouvelle langue
Qui vient à moi en évidence
Passer et repasser en mélancolie
En souvenir et en deuil
De ta langue
De ce que tu me disais à l’oreille
Les soirs où la lune brillait
Où la comète filait dans le ciel
Et la langue qui passait la grille
Et ta langue qui va contre la parole
Et ta langue qui nous impose son silence
Et ta langue qui nous impose ta nudité
Et le corps qui impose le silence
Et ton corps nu prêt à me recevoir
Ta langue qui va au-delà de l’innommable
Laisser monter l’obscurité
Laisser monter la mélancolie
Malgré tout avancer
Dans les jours et les nuits
Tressaillir, peut-être
Trembler, sans doute
Toujours à la recherche de ta langue
Toujours à la recherche de toi dans le mot
Ma langue brûlée puis-je encore parler
Ma langue brûlée puis-je encore t’embrasser
Ma langue brûlée puis-je encore te sucer