L’Homme qui était un arbre

Roman de Stéphane Padovani


Curieux destin que celui de Pin-Pin qui fut d’abord et pendant longtemps un arbre avant de subir les attaques de la tronçonneuse et d’être jeté, tel un vulgaire rondin, au creux d’une charrette. C’est là que le récupéra, et ce fut sa chance, Maître Antonio, sculpteur sur bois vivant en Toscane.

D’un tronçon de pin, il fait un bambin tout en bois. Un être mobile, doué de parole, qui devient son fils et son apprenti. Sa silhouette étonne dans le voisinage. Les remarques vont bon train. Un jour que le gamin allait livrer des chaises en les portant sur son dos, il croisa un homme qui lança :
« Voilà un tas de bois qui passe. »

Le pantin aux airs de Pinocchio s’initie également à la sculpture. Et s’invente une autre spécialité, bien plus dangereuse : le lancer de cailloux.

« Un après-midi, alors que je somnolais dans une meule de foin, j’entendis un vieux paysan me traiter de paresseux. Sans réfléchir, je saisis aussitôt un caillou pointu comme la foudre et lui fracassait le front. Il tomba raide. »

Ce geste fatal marque le début de la fin pour l’enfant de bois qui, condamné à poser sa tête sur un billot – pour qu’on la coupe – se transforme instantanément en être d’os et de chair, identiques aux autres mais avec un passé et un destin particuliers.

C’est ce destin, truffé de nombreuses rencontres – dont une avec un chat qui parle et qui en est à sa huitième vie – que retrace Stéphane Padovani dans un livre qui s’apparente au conte et au roman d’aventure. Il déroule, simplement et sans jamais s’appesantir, l’étonnante histoire d’un être posé, réfléchi, disponible et conciliant. Si la poésie y est présente, la réalité sociale l’est tout autant.

Fuyant l’Italie, Pin-Pin monte, à Naples, à bord d’un bateau plein de migrants sur lequel il fera la connaissance de l’écrivain Écossais J.M. Barrie, le créateur de Peter Pan. Après une longue traversée, il débarque à Ellis Island. C’est là, puis sur le port de New York, au début du vingtième siècle, qu’il découvre le Nouveau Monde, celui où il va vivre, travailler et trouver sa place.

Il y a longtemps que Maître Antonio est mort. Le chat a également trépassé mais il va renaître. Comme le fera, au terme de son aventure terrestre, le personnage principal du roman. La vie d’un homme égale rarement celle d’un arbre. Sa mort est définitive. Ce n’est pas le cas ici, où s’opère un inespéré retour aux origines. Un bouclement de la boucle réconfortant.

« L’arbre fit le tour de mon corps, me rappela à lui. J’étais de nouveau cette voix végétale, sans cause ni fin, sans histoire ni mémoire ; une simple articulation du temps. »


Stéphane Padovani : L’Homme qui était un arbre, Quidam éditeur.

Jacques Josse

28 octobre 2024
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