Le travail et la composition du verre
« Des fours ! Des cuves ! Dans le fond des forêts ! Ah ! qui nous remettra l’usine à la campagne, près de l’argile du vallon, et dans ce vallon même où, jeune enfant, je faisais cuire des billes ?… »
[…] « Acceptez par l’imagination le travail de l’ouvrier. Imaginez-vous en train de mettre le bois dans le four, gorgez le four de charbon à pleine pelle, provoquez le four dans une rivalité d’énergie. Bref, soyez ardent et l’ardeur du foyer perdra ses flèches contre votre poitrine, vous serez tonalisé par le combat. »
Gaston Bachelard – La Terre et les rêveries de la volonté –
José Corti, 1947.
Les propos des verriers se croisent, sur les mêmes sujets, qu’ils explorent sous des angles qui changent, avec des variantes quant à l’origine des expressions. La méthode de chaque verrier est unique. Les informations qui viennent compléter ce que nous pouvons avoir déjà entendu nous aident à mieux comprendre les techniques. Au fil de leur parole, nous découvrons des personnalités différentes, mais toutes animées par l’intérêt qu’elles portent à leur métier, et l’exigence dans leur travail.
Guy Roussey vient m’accueillir à Vauvillers, à la descente de l’autocar en provenance de Vesoul. La verrerie-cristallerie de La Rochère, aux confins de la Haute-Saône et des Vosges, se découvre depuis les hauteurs de la petite route qui traverse la forêt. Guy Roussey a commencé son apprentissage du métier de verrier dès l’âge de 15 ans, comme « gamin », qui ouvrait le moule quand le verrier se présentait avec sa boule de verre. Il nous explique le procédé du verre bullé, à la mode à la fin des années 1970, la signification des mots « pot », « cercle », « schlague », quand est-ce que l’on mailloche ou que l’on travaille au marbre, le rang, dans la hiérarchie, du chef de place ou de l’ouvreur. Il nous parle du soufflage au pouce, de la différence entre cannes, ferret et pontil, des expressions « berceau » et « détachotte », de la technique du verre multicouche, du cristallin, du verre craquelé, de ce que sont le soufflé fixe et le soufflé tourné, de la « bousillerie », qui pouvait aboutir à la création d’une collection. Nous explorons avec lui le paysage où nous guideront les différents verriers que nous rencontrerons. Guy Roussey est toujours un verrier dans l’âme, mais au sein de la verrerie-cristallerie il est devenu chef de fabrication. Il nous découvre les autres activités de la verrerie, notamment la production des panneaux, et la complexité de son poste de responsabilité.
La Composition du verre
René Buchetet nous entretient de la composition du verre, depuis le cristal au plomb jusqu’au passage du verre sodocalcique au cristallin, plus facile à travailler. Le cristal se définit par une densité et un indice de réfraction. Dans le verre cristallin le barium a remplacé le plomb du cristal. Un verre silicosodocalcique est conservé pour la verrerie mécanique.
La composition du verre s’est perfectionnée, le dosage des produits s’est affiné. Les oxydes métalliques, pour obtenir les couleurs, sont pesés à la main. La couleur provient du mélange de verre blanc avec ces oxydes métalliques. Le verre est teinté dans la phase finale, à partir d’un verre très fortement chargé en oxyde métallique. Le cobalt pour le bleu, le manganèse pour l’améthyste, le chrome ou le fer pour le vert… On obtient du noir en mélangeant plusieurs oxydes métalliques, à forte dose. Les déchets du verre, qu’on appelle le groisil, sont recyclés. Mais quand il s’agit de déchets de verre de couleur, on doit les conserver bien séparément.
Denis Lutz est compositeur du verre qui va alimenter les fours. Il surveille les automates qui déversent les diverses quantités dans le mélangeur. Pour le verre mécanique, on emploie un verre sodocalcique, pour la verrerie à la main du cristallin, qui compte un ajout de potasse, de nitrate, de borax, de barium (qui a remplacé le plomb), pour affiner le verre. Une charrette prête à alimenter le four se compose de 180 kilos de sable, et pèse 320 kilos avec tous les produits. À quoi s’ajoutent 100 kilos de groisil, qui est de la même composition. Les couleurs proviennent des oxydes, de cuivre rouge pour obtenir un bleu clair, du bichromate de potasse pour le jaune, du sélénium pour le rose…
Guy Roussey – Exergue
Guy Roussey – Apprentissage
Guy Roussey – Le Verre bullé
Guy Roussey – Le Pot et le Cercle
Guy Roussey – Marbre ou Mailloche
Guy Roussey – Ouvertures au feu
Guy Roussey – La Bousillerie
Guy Roussey – Cannes, ferret, pontil
Guy Roussey – Soufflage au pouce
Guy Roussey – Berceau et détachotte
Guy Roussey – Le Verre multicouche
Guy Roussey – Le Cristallin
Guy Roussey – Le Verre craquelé
Guy Roussey – Soufflé fixe / Soufflé tourné
Guy Roussey – Responsable de fabrication
Guy Roussey – L’Activité de production des panneaux
Guy Roussey – L’Évolution du travail
René Buchetet –Exergue
René Buchetet – Le Cristallin
René Buchetet – Composer le verre
René Buchetet – Le Verre de couleur
René Buchetet – Peut-on avoir un cristal sans plomb ?
René Buchetet – La Verrerie mécanique
Denis Lutz – Exergue
Denis Lutz – Compositeur
Denis Lutz – Verre mécanique / Verre main
Denis Lutz – La Préparation du cristallin
Denis Lutz – Le Verre de couleur
Le prochain épisode : « Le verre, c’est comme du miel… »
Le précédent chapitre : Des forges de Syam à la verrerie-cristallerie de La Rochère