Nil Didier | Poèmes




On croit que les vitres laissent passer la lumière
mais elles sont comme les
traînes de nos robes de mariée ;
trop chétives pour les ouragans,
discrètes lorsqu’elles croisent un bulldog ;
émotives, vite crasseuses.
Craignant les revers de la transparence
j’ai demandé une doublure pour nos visages
un isolant hérité du mot île.


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L’impact mua ; elle réussit à y lire d’autres formes.
L’empreinte devint nuage, la percée entraina la lumière et, avec elle, le hennissement chaud du ciel lancé au jour nouveau.


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L’intelligence est une huile noire infusée par ce que le lasso de la mémoire a rapporté d’un passé limoneux : un butin contracté d’une main preste dont la dilatation explosera aux narines.


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Je sors l’étai glissé sous cette phrase sans savoir quand elle s’effondrera.
La peur avait formé une inondation peu visible. L’évènement était clos mais il avait fallu du temps aux organes pour finir de sécher. Nous dansions sur un sol gondolé.


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Au cours de l’ascension, la défaillance du souvenir lui permit de regarder en bas sans avoir le vertige.


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Il y eut quelques sommeils dépecés par le manque de courage, la vie immobile. Quelle immensité roules-tu vers la lumière ? Si elles étaient formes, nos solitudes trouveraient la rotation pour s’enchevêtrer. Mais elles sont comme l’huile et l’eau.


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Nous nous étions vus, les uns les autres, avancer en trainant notre kayak dans le dos par une cordelette. La fin du jour était chaude ; nos mères ignoraient que nous étions allés nous perdre.
Sous nos vêtements, nous cherchions notre deuxième estomac ; un réservoir pour notre récolte, une taverne où seraient placardés les mots pour la suite.


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Tu éprouves le temps du cercle, cent tours l’aile tendue.
Dans l’animation, j’assiste à l’éclipse de ton timbre. La nuit tombe sur ta voix, les animaux s’y baignent en silence.
On entend simplement les langues laper,
les feuilles craquer sous les pattes de velours.

2 janvier 2023
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