Nina Simone

Racontée par Valérie Rouzeau et Florent Chopin


Ce n’est pas une biographie de Nina Simone (1933-2003) que proposent Valérie Rouzeau et Florent Chopin dans ce livre publié dans la belle collection Supersoniques mais une évocation sensible de l’œuvre et du parcours de vie de l’une des plus grandes chanteuses de jazz.

Valérie Rouzeau débute son texte en partant de l’enfance de celle qui est née Eunice Waymon en Caroline du Nord, dans une famille de révérends méthodistes. Possédant l’oreille absolue, elle savait jouer à l’harmonium, dès ses trois ans, le gospel préféré de sa mère. Deux ans plus tard, « elle subjugue les fidèles dans toutes les églises où sa mère l’assoit, coussin sur la chaise de paille, devant l’orgue ».

Son rêve, et elle travaille dur pour le réaliser, est de devenir pianiste-concertiste. Mais la pauvreté et le racisme vont l’en empêchée. Passionnée par Chopin, Mozart, Beethoven, donnant son premier concert classique à huit ans, l’entrée au prestigieux Curtis Institude de Philadelphie lui sera refusée et cela bouleversera sa vie.

Elle va alors faire entendre la magie de sa voix et c’est par elle, unique et envoûtante, « dont on a pu dire que c’était tantôt du gravier, tantôt du café crème », que la reconnaissance viendra. Elle passe du classique (ne l’abandonnant pas pour autant) au jazz sans jamais se détourner de son piano. Elle joue, compose, écrit, adapte des morceaux anciens, met en musique des textes (notamment ceux de Langston Hughes et James Baldwin), reprend (en y ajoutant sa griffe) des titres connus tels Just Like a Woman de Bob Dylan ou My Sweet Lord de George Harrison et étoffe peu à peu son répertoire. Elle n’oublie pas ses racines. Le gospel, dit-elle, lui a enseigné l’art de l’improvisation et si le Sud profond, d’où elle vient, est celui des ségrégationnistes et des esclavagistes blancs, il demeure également le lieu où est apparu le blues à la fin du dix-neuvième siècle. Cela, la Little Girl Blue (titre de son premier album) le sait et l’exprime.

« Et l’aria peu à peu varia
De plus en plus noire se fit la voix »

C’est pour ne pas être reconnue par ses proches, qu’elle prend en 1954, alors qu’elle se produit dans un bouge d’Atlantic City, le pseudonyme de Nina Simone. C’est le prélude à la carrière qu’on lui connaît, le succès arrivant dès la fin des années cinquante à Greenwich Village puis à travers tout le pays et bientôt dans le monde entier.

Cela, Valérie Rouzeau l’écrit en choisissant de s’arrêter sur des moments-clés, la présentant telle qu’elle était, en femme libre, militante des droits civiques, défendant les droits des femmes, à commencer par les noires, s’engageant dès qu’il le fallait, luttant avec sa voix, son chant, ses textes, se battant également avec une maladie (sa bipolarité) qui lui rendra la vie difficile.

« C’est le monde que tu t’es créé, Nina, et maintenant tu dois accepter d’y vivre », Nina Simone se répétait les paroles de son ami James Baldwin dans les moments difficiles ».

Florent Chopin, par ses collages, son travail sur le papier, y compris le papier peint, et sur les objets, raconte Nina Simone en empruntant les chemins qu’il affectionne. Il déplie ses cartes marines ou terrestres, zèbre ses toiles de notes de musique, crée d’intenses mouvements, dessine ou peint, perçoit le timbre de la voix jusque dans son corps et impulse de la profondeur (et des envies de voyages) aux murs. Les reproductions, pleine page, du peintre (et poète) dont l’antre, "l’atelier des brousses", se trouve dans un ancien garage à Saint-Ouen, attirent, aiguisent et font du bien au regard et à l’imagination.

Tous deux, par des voies différentes mais complémentaires, s’associent pour rendre un bel hommage à Nina Simone, décédée dans le Sud de la France, à son domicile de Carry-le-Rouet, en 2003, dix ans après la parution de son dernier album, Single Woman.


Valérie Rouzeau et Florent Chopin : Nina Simone, éditions Philharmonie de Paris, collection Supersoniques

Jacques Josse

29 septembre 2023
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