Notes méridiennes

[sas] Montage de sas traversés au jour le jour, les « notes méridiennes  » ressassent des matières visuelles et textuelles sans souci de les tamiser pour les "épurer" mais pour tenter de les rendre légères et vives comme une "frase" de boulanger.

[frase] La frase est le corps de farine, eau et levain, souple et élastique, que le boulanger travaille légèrement et assez vite pour empêcher la pâte de "languir" mais assez doucement pour l’empêcher de "brà»ler". [1]

[/f/ écrit ph] En dépit du zéro àla dictée, j’ai longtemps écrit le /ph/ de pharmacie avec le /f/ de folie. Malgré les olympiennes origines de ce /fø/ sans fumée, rien n’y faisait. Je n’aimais pas l’odeur aseptisée de l’officine et ses sirops épais sensés me soigner. J’étais gourmande de l’arôme de la pâte qui gonflait dans le pétrin de mon grand-père.

[correcteur d’orthographe automatique] Les yeux de feu du dragon qui garde les conventions verbales de mon clavier obligent mes doigts àtaper sur les bonnes lettres. J’écris phrase mais je pense "phrasé" en rêvant de la frase.

[grigne] Le geste du boulanger (son art de la découpe, ses manières de disposer, de griffer la pâte d’une marque singulière avant de l’enfourner) est le fantasme initiateur qui conduit l’établissement de ces notes.

[phrases grignotées] Les bouts de doigts mutilés du mitron caressent le pain blond et traversent les fentes du pâton levé de crêtes savoureuses.

[voies méridiennes] Au cÅ“ur d’un cheminement de sensations renversant le temps ― « milieu du chemin de la vie  » ―, un livre bicolore (terre et ciel), au format discret, doté sur sa couverture du pronom le plus utopique de la langue ―NOUS― [2] vient se poser, se disposer, se composer et durablement s’exposer sur ma table.

[reverbs] [3] Me revoilàen train de ressasser la hantise de mes dictées. Eh ! eh ! Et j’apprends, par ailleurs, que l’auteur de ce livre est un « instituteur  »...

[lieux communs] L’enfance qui rattrape les personnes âgées c’est un cliché ! Mais c’est un fait. Les faits ne peuvent exister qu’àêtre interprétés.

[fées bien roulées] À portée de lecture d’un jeu d’enfance retrouvée, un bataillon de fées s’exerce àsautiller àpetits pas sur mon cahier. Leur babil virevolte et roule de même les phonèmes dans la farine.

[réverbération] Les éléments sonores du langage articulé ne se laissent pas abuser par la nymphe Écho toujours prête àréverbérer autre chose que ce qui est pour séduire Narcisse.

[échappatoires] Le poète pour une fois ne se regarde pas. Il glisse sur le miroir gelé des mots de la langue qui ne sont plus audibles mais encore visibles dans l’espace de leurs phrases simples.

[quelques phrases simples] [4] « D’y penser ça crève les tympans  » « Celle-làou une autre ça chamboule tout.  » « Une recherche de fluidité la phrase est malléable, poreuse et pas qu’aux extrémités des résistances.  » « Entre deux lignes serait une façon de dire.  » « Axe autour duquel s’organisent la majorité des trafics.  »

[réversibilité d’un graphe] Les ombres méridiennes projetées par les reverbs sur mes phrases complexes marquent un renversement de cadran. Un maître boulanger alias maître d’école institue le vieux zéro de mes dictées en vérité et faufile mes racines dans une forêt de frênes àfeuilles foisonnantes où un garçon en pleurs enfouit les cendres d’une vieille folle.

[croyance impie] L’espacement entre deux lignes (de notes) regarde les phrases qui l’encadrent du haut de son espace vide dans un laps qui respire et inspire des effets de ciel réverbéré.

[remerciements] À l’adresse de cet homme de métier instituant des « phrases simples  » dans l’espace de lecture offert àl’intimité de mes notes méridiennes.

Notes

[1] Steven L. Kaplan, Le retour du bon pain, Perrin, 2002, p. 49 et suiv.

[2] mais les éditeurs prudents ont associé NOUS au mot « disparate  »
Voir Bruno Fern et
Reverbs

[3] Bruno Fern, Reverbs, éditions Nous, 2014

[4] par exemple : pages 123 et 126.

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