Parham Shahrjerdi | Écrire de la poésie, et mourir

Parnia Abbasi


On peut être poète, poètesse,
on peut écrire de la poésie,
on peut être jeune,
on peut manier la langue,
imaginer autre chose que ce monde,
autre chose que des mots désuets,
autre chose que l’imaginaire arrêté,
autre chose que le cours des choses,
autre chose que ce qu’il y a,
autre chose que la répétition du même,
le retour du même,

et soudain,
on peut recevoir un missile,
et soudain,
on peut être arrêté,
dans son élan,
dans sa poésie,
dans sa jeunesse,
dans le désir de désirer autre chose,
d’écrire autre chose,
et de faire autre chose que mourir.

Parnia Abbasi écrivait de la poésie.
En persan. À Téhéran. Elle avait 23 ans.
Un jour, une nuit, un missile de l’armée israélienne a mis fin à sa vie.
À sa vie pas encore vécue. À sa poésie pas encore écrite.

On peut écrire de la poésie et mourir.

De sa vie écourtée, de sa poésie, je prends ses vers en persan,
je les réécris en français,
parce que,
écrire, et écrire encore,
ré-écrire,
est une façon de vivre,
de faire vivre ce qui est voué à l’anéantissement.


Étoile éteinte
Parnia Abbasi

J’ai pleuré pour nous deux,
pour toi,
et pour moi.
Les étoiles de mes larmes
tu les souffles dans ton ciel.
Dans ton monde,
la lumière se libère.
Dans le mien,
le jeu des ombres.
Quelque part,
toi et moi, nous sommes finis.
Le plus beau poème du monde,
perd sa langue, devient muet.
Quelque part,
tu commenceras
tu hurleras le murmure de la vie.
Dans mille lieux,
je toucherai la fin,
je brûlerai,
deviendrai une étoile éteinte,
partie en fumée dans ton ciel.

20 juin 2025
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