Patricia Cros | Anamorphoses

Anamorphose 1
sortie du champ
par trompe l’oeil
parce que nos yeux sont libres
Ils vont dans la grâce et la puissance de leur inutilité
nos yeux ont des membres fantômes
capables d’énoncés pulsionnels
ce sont des véhicules d’espaces
des petits cris derrière la porte
nos yeux regorgent sans cesse
si on les dé-machine
un jeu se glisse
une distorsion entre les mailles
dans l’épaisseur du voir
par déplacement d’oeil
pour gagner
des espaces entiers sous l’orteil
des multiplicateurs urbains
des surgissements de campagne éveillée
là et ailleurs au même moment
parce que l’oeil est nombreux
invisible et grouillant
comme des cellules
*
Anamorphose 2
je ne vois pas de l’autre côté de la porte
une porte fermée
insupportable
faire quelque chose
gratter l’obstacle
ou bien renoncer
changer de direction
ou bien le regard suppliant
vouloir passer ou pas
quelque chose d’oppressant
quelque chose de l’air qui se referme
se frayer un passage
attendre l’ouverture
ou bien dormir
indécidable
le chat peut être ailleurs d’un simple regard
il sait un autre espace possible
une brèche dans l’espace présent
être ici et ailleurs en même temps
la porte s’ouvre il passe
et
il s’enroule sur sa queue il dort
indécidable
le chat appuie sur l’air avec ses coussinets
palpe l’air qui draine toutes ses incertitudes
l’air improbable
pour faire surgir une possibilité palpable
un possible qui apparaît/disparaît
il peut entrer/sortir
l’image de lui derrière la porte
la présence de ses pas qui s’éloignent derrière la porte
alors que le chat dort enroulé sur sa queue