Pierre Antoine Villemaine | Notes musicales

plus que la mélodie c’est sa voix qui transperce, qui me traverse de part en part, d’outre en outre, me transverbère — (« blessure spirituelle dans le cœur faite comme par une épée »)
les lignes mélodiques s’entrecroisent, s’enlacent, se recouvrent, elles dansent, tressent noeuds et contre-noeuds en une motilité érotique qui tisse le motif
des notes s’enfuient, échappées inouïes, lignes de fuite, délire qui laisse entrevoir d’autres possibles
ces voix cristallines résonnent sous les voûtes, répétitives elles vous brisent comme du verre
ici la sonorité de l’instrument plus présente que la musique
une musique réservée
comme si elle se retenait, réfrénait son envol
telles des gouttes de pluie les notes frappaient le silence
chaque note isolée, suspendue dans le vide, juste avant de rejoindre comme malgré elle la pente rassurante de la mélodie (Tombeau Blancheroche)
cette musique diffusait une lumière très blanche, irradiante, hypnotique… je succombais à sa douceur, à sa ligne mélodique si délicate, si bienveillante, si amicale
prise d’un malaise la musique vacilla et se mit à tanguer, irrésolue elle demeura en suspens dans des aigus malaisants
la note grave du clavecin résonnait encore lorsque de petites notes légères se déposèrent délicatement sur elle
il n’a pas de projet, il ne sait pas où il va, il avance, se laisse conduire, accompagne le rythme de la musique qui trouve seule son chemin
les doigts du claveciniste naviguent avec désinvolture sur le clavier ; la mélodie se cherche, s’interrompt, se reprend, rêverie insouciante elle gambade, ruisselle joyeusement, improvise, essaye plusieurs voies, en trouve une, s’y accroche, la déploie presque miraculeusement puis se clôt de manière soudaine (Lamento)
1 « La musique : compagne du plaisir, remède au chagrin », mots inscrits sur le virginal de La leçon de musique de Vermeer.
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