Tristan Mertens | corps et rosaceae

Martin Viotti, monotype, "sucre blanc"




des corps attendent

cachent la nuit collée à leurs visages
dans les matins mentaux des quais
nus de l’hiver

pays d’après nature morte
assez pour que des corps
attendent

frapper la pluie




je rentre par les angles barbelés
il n’y a personne dans l’herbe rare

ni anges sur
les bancs qui coupent

des pétales d’invisibilité


*

et mes fissures dans la gare
éparses sang-mêlé les bêtes des vitrines
à l’éclairage glauque

l’odeur de la salive fermentée
l’amarre est coupée à l’alcool les yeux
contraints à respirer sous vide
exhibent notre museau véritable
la rue est froide mais les mamans parlent


*

chaque jour compte

quand la violence est synonyme

quand je n’ai appelé
personne parce que les mots
n’existent pas




et la nuit tombe comme un corps
féroce
quand tu rassembles les années
dans tes poings non plus sur tes doigts
tu comprends que la vie 




des pigeons me réveillent
écrasés par le poids d’un nom et le mort m’ayant visité et la montagne
déjà verte du rêve

quand un cortège suffirait à effrayer l’État

le mort ne vient pas divertir il établit un lien sinon pourquoi a-t-il jardiné cette rose

et si les fleurs nous pansent
pourquoi encore
de manière si transitoire


*

je rentre
la vitesse dans la fenêtre / les bêtes / en bord de voie
l’absence de tout souvenir de la forêt
la tête que j’emporte
pour la quantième fois




chaque jour compte avant que les puissances militaires

avec la fille sans visage

près de l’école de musique aux amandiers de Chine


*

l’énergie encagée en bas des tours
l’État d’Israël tagué terroriste
mais à la craie
peut-être au cas où les massacres
par quel miracle cesseraient


*

des pères passent
en silence sous les pommiers chaque sourire
compte un jour dans la rue


des corps attendent
un chœur nouveau plein de courage
l’étoile du dedans tenir
le ciel quand tu ne rentres pas la nuit
la pureté invérifiable de nos gestes
les paroles que l’arbre réduit à des ornements




aux premiers jours cerisiers du Japon
et l’hiver se retire
en sa chose lente de ruine
un merle chante
le songe si réel où nous couchés
resterons seuls
dans l’herbe adolescente
d’un temps qui n’était pas conçu
quand nous
nous sommes révélés physiquement

et les pétales volent dans la gravité

quand nous vivons de notre mieux
malgré que tous
les jours le monde traumatise




je lis au sol État =
mafia
ça me rassure et me déprime


je cherche du dehors / une durée inactuelle / bouvreuil dans le verger un couple de pigeons plane les aubépines / des morts
attendent

18 juin 2025
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