Alfred Stieglitz : dernières pauses
Quoi de plus normal que d’aller prendre un train au musée d’Orsay ?
L’ancienne gare Paris-Orléans expose encore jusqu’au 16 janvier un aperçu de l’œuvre du photographe américain Alfred Stieglitz (1864-1946) et du « cercle » artistique qu’il sut créer autour de lui en tant qu’amateur de peinture, éditeur, et rassembleur de talents.
Une des photos d’Alfred Stieglitz représente justement une locomotive noyée dans sa fumée : « The Hand of Man » (1910). Une main de fer !
Les titres de ses photos sont des révélateurs : « Springs Showers » (1902) pour une averse, « The City of Ambitions » (1910) pour les tours vivantes, « Music » (1922) pour une série de nuages capturés au vol...
Dans les salles de cette exposition du musée d’Orsay, photos et tableaux jouent à cache-cache : un portrait de Francis Picabia (1915) introduit à certaines de ses toiles (« Voilà Haviland, la poésie est contre lui », « Train traversant une rue », 1915), et un profil de Marcel Duchamp (1923) conduit à sa « Fontaine ».
Les peintres rassemblés avant puis autour de la revue « 291 » sont là : Gino Severini, Diego Rivera, Marius de Zayas, Charles Demuth, John Marin.
Le noir et blanc des clichés est doublé par la couleur des toiles : mais il demeure gardien de l’empreinte d’un New York où les businessmen se pressent à Wall Street, où Alfred Stieglitz prend des photos depuis le haut de l’hôtel Shelton dans lequel il loge, où il rencontre Georgia O’Keefe, peintre, et se marie avec elle en 1926.
Il baptise les photos des mains, des bras, des seins, des jambes de sa femme : « portraits ». L’un d’eux, magnifique, montre ses doigts effilés posés sur un enjoliveur de voiture. On y distingue l’inscription « V 8 ».
Et il y a enfin cette phrase de Georgia O’Keefe concernant Alfred Stieglitz : « Je ne l’ai jamais vu aller quelque part dans l’intention de prendre des photographies. Il portait son regard en lui et il l’exerçait sur tout ce qui se trouvait à proximité. C’était peut-être une façon de se photographier lui-même. »