Aurore disparaît (Mercure de France, avril 2014)
Aurore disparaît (Mercure de France, avril 2014),
parution du livre écrit par Amina Danton durant sa résidence à Gentilly.
Présentation du livre sur le site du Mercure de France.
"Aurore passe beaucoup de temps à jouer dehors, à circuler en patins à roulettes entre les bâtiments de sa cité. Sa cité, c’est le territoire, des bâtiments percés de toutes petites entrées, comme dans les termitières. Elle a une bande de copains, centrale, capitale, comme les bras et les jambes de son propre corps. Les parents, plus abstraits, presque effacés, retirés dans les appartements ou croisés dans l’ascenseur quand ils rentrent du travail, sont souvent fatigués et raides comme des piquets.Elle ne s’aventure pas, contrairement aux plus âgés de la bande, dans le centre-ville, situé au-delà du grand terrain vague. Elle y va une fois avec son père pour acheter un disque ou un pantalon, un jour d’anniversaire il lui offre une menthe à l’eau dans un café, elle veut s’asseoir sur un tabouret, près du bar, elle se tient bien droite, attentive à ne rien renverser.
Des copains vont boire des bières le samedi, et reviennent avec un sac à main volé à une "bourgeoise", comme ils disent. Aurore regarde le butin répandu à terre, dans le terrain vague. Elle regarde l’intérieur de ce sac en cuir noir, renversé, elle regarde comme si c’étaient des entrailles, ou un fruit défendu ou brûlant.Elle ne touche à rien. Des clefs, un poudrier, un rouge à lèvres, un porte-monnaie en cuir noir, les grands s’agitent autour de ces restes, les objets passent de main en main, dans les rires et les reniflements. David, le chef de la bande, qui a un père suédois, veut lui mettre du rouge à lèvres, elle est la seule fille de la bande. Elle le rabroue. Elle se sent acceptée dans le cercle."
Une narratrice, Aurore, s’isole en bord de mer pour peindre et faire le point, sur sa pratique artistique (Aurore peint), sur son histoire d’amour en déliquescence, et le trajet en son ensemble qui fut le sien. Une intrigue policière, un meurtre sordide, de sous-jacentes perversions, sinuent, en arrière-fond, mais ce qui prime en ce livre est l’évocation du déplacement, voire du déplacé, du point de vue d’une narratrice qui peine à trouver sa place, socialement, amoureusement - et les flashbacks, comme ci-dessus, sont impeccablement posés et distanciés.
Ce roman présente, d’après Amina Danton, "un lien avec le transport amoureux (Aurore vit suspendue en quelque sorte, dans une passion amoureuse, seule, au bord de la mer, une passion qui répond à l’impossibilité de dire adieu à son père). Face à la mer, elle peut suspendre en elle toutes les contradictions, se laisser pousser vers l’absence."
Le temps de la résidence d’auteur(e), ainsi que nous avons pu souvent l’évoquer, croise celui de l’écriture, qu’il permet et renforce, mais entre l’écriture même, celle qui advient durant le temps de la résidence, et le projet originel il y a souvent un contretemps, des effets de retard, d’écart, d’écho.
Le livre qu’Amina Danton sort ce printemps a été écrit durant sa résidence consacrée aux transports, à Gentilly, en 2011. Et s’il n’est pas le livre-témoin du projet de résidence en question, il s’en est nourri, et en découle, en déplacé relanceur.
Aurore disparaît (Mercure de France, avril 2014).
Présentation du livre sur le site du Mercure de France.