Chevreuil
J’ai commencé ma saison de gibier il y a vingt jours, avec du chevreuil. N’allez pas trouver bizarre qu’une japonaise s’intéresse à ce qui peut sembler appartenir au domaine du strict terroir, en fait, malgré l’interdiction bouddhique (je ne parle pas pour moi, je parle de l’histoire), les Japonais ont toujours mangé de la viande, mais seulement de gibier, dans la mesure où ce n’est pas une viande d’élevage. Je passe sur les histoires de chasseurs, les gens de la montagne, les tabous et les intouchables et tout et tout… les Japonais et la viande, c’est une longue histoire compliquée. Quoi qu’il en soit, la semaine dernière, alors que j’étais en train de faire des recherches pour un colloque dans lequel je devais travailler comme interprète, j’ai vu dans un rouleau du Moyen-Âge une scène de banquet, et des cuisiniers qui préparaient une volaille (grue, faisan ou canard, les avis des spécialistes différaient).
Bref. Revenons à mon chevreuil. Je l’ai mariné avec du kankôji (cf. mon article sur le canard), et j’envisageais de le faire un peu à l’italienne (dans mon imaginaire), avec le basilic (qui pousse sur mon balcon et que je pensais justement couper pour la fin de saison avant l’hivernage), des artichauts et du vinaigre balsamique. Pour l’unique raison que c’est ce que j’avais dans mon frigo, et voilà un plat qui n’aura pas de nom (cf. mon article sur les noms de plats.)
Je fais revenir de l’ail avec un peu d’huile d’olive, un peu d’huile de sésame, ensuite les artichauts, je les sale à peine, j’y ajoute le chevreuil, et juste avant de sortir du feu, j’ajoute le basilic, le vinaigre balsamique, et…
… ce que c’est que l’habitude tout de même ! J’ajoute aussi de la sauce de soja et du sucre, comme je fais avec le travers de porc caramélisé, le plat chinois !
Là l’histoire touche à ce grand thème que j’ai évoqué hier, le ratage (ou la transformation, il faut ajouter ce thème-là aussi dans la typologie des histoires de cuisine).
Finalement mon chevreuil, gibier qui est comble de la cuisine de terroir français, concocté par une asiatique, dans 20ème arrondissement à Paris est vraiment devenu un plat chinois sans nom. C’était bon, en tous cas. Je le referai, et à ce moment-là je lui donnerai un nom.