Fictions beyrouthines et autres citadines (6)
VI
Quand la route sinueuse vers la montagne dégage l’horizon, il s’apaise un instant et rêve d’un ailleurs. Il parle autant qu’il peut pour ne pas laisser de silence. Il fait un amas de phrases courtes sans ponctuation. Il martèle, se moque de l’Egypte et de la Tunisie. Lisa l’écoute, se souvient qu’on lui a raconté les cèdres et la neige, comme une vieille histoire. Michel ne sait plus conduire dans le calme des arbres. Il dit, les Libanais sont en colère.
Comment se tenir près d’un homme en colère ?
Sur le haut de la colline, l’air est froid et vif. Michel ferme sa veste et marche d’un pas long et rapide devant Lisa sans souci de la perdre. Il regarde la cime d’un mont et des bâtisses laides et fières. Son œil est haineux tel celui d’un ange qui aurait à terrasser le dragon. Lisa cherche en lui un brin de tendresse et prend sa main. Mais il y a trop de guerre. Le titre d’un film vu hier à Beyrouth lui revient sans cesse, Pourquoi n’arrêtes-tu pas de mourir ? Il n’y a pas de promenade.
Comment tenir une main empêchée ?
Puis, Michel abandonne Lisa dans la montagne. Il revient vers la ville parce qu’en dehors d’elle la peur remplace l’angoisse qui se terre au fond des quartiers, l’angoisse connue presque rassurante. Lisa est si légère et joyeuse, elle ne comprend pas. C’est ce qu’il se dit.
Pourtant, quand Lisa parle de la lumière sur la mer, Michel l’aime. Loin.
Fiction précédente Fictions beyrouthines et autres citadines (5)
Fiction suivante Fictions beyrouthines et autres citadines (7)