Jasmine Viguier | Une Ville
une ville :
quoi dans ses lignes ses courbes
sa démesure me dit que je suis
chez moi ?
on voit mieux
une fois parti
les lignes de fuite
que tracent les fils électriques
dans le ciel
entre les immeubles
les rues les fenêtres
sont sans visages
la nuit les lumières tôt le soir
ça vaut mieux des fois que le
ciel bas sur des horizons de
façades gris à pas savoir si
c’est la nuit le jour s’il fait
froid ou chaud
on ne sait pas
ce qui se passe
à l’intérieur
autour de nous
on peut toujours parler
même fort
on ne sait pas
le corps s’est plié un crac tout léger puis
émietté restent les reflets des immeubles
dans le ciel des vitres comme des morceaux
de soi disparates
une ville :
son cœur bat dans la saleté
de ses rues
I fé froid la ville s’écrit la nuit sur les rideaux de fer des magasins à bas la survie en noir et blanc et en couleur non au commissariat sur les murs écaillés par le temps
portes et fenêtres murées
bâtiments condamnés en sursis
c’est tant pis pour les souvenirs
une ville :
parfois fait du peu d’âme qui lui reste un tas de gravats
les dents de métal creusent le sol arrachent déchiquettent mâchent et remâchent des quartiers entiers en grondements continus dans le corps
poussent des résidences aux murs blancs
comme des champignons se tâcheront de
moisissures noires malgré les ventilations
mécaniques contrôlées
une ville en négatif s’imprime sur ce qui reste debout et nous dans tout ça tâcher d’apprendre à lire à travers le temps ces traces d’avant qui font aujourd’hui
les lignes qu’on écrit cherchent à rejoindre celles qui dessinent la ville sans succès elles s’écrivent à l’envers
Jasmine Viguier a publié un livre de poésie, « Exactement là » à L’Idée bleue en 2008 et des textes en revue (N4728, Eponyme, Contre-allées…)
Les textes ci-dessus sont extraits d’un ensemble en cours d’écriture provisoirement intitulé « Les ciels des vitres ».
Olivier Grouazel est diplômé des Beaux-Arts de Nantes.
Il photographie la ville, le quotidien, des moments insolites, troublants, étonnants. Il s’attache essentiellement à la notion de mémoire, de traces.
Ensemble ils animent l’association de fil en esquisse