La chanson du Grand Répondant


Personne

Un homme est une injonction un défi. Le galet place la voix dans son allure, ni trop haute, ni trop basse, juste. Elle déambule parfaitement àl’aise dans la main nue, elle y trouve la chose pas facile àbien définir. Elle habite la pierre, vis-à-vis de laquelle Francis Ponge note bien que contrairement àl’opinion commune elle est dans la nature la seule chose qui meure constamment. Toute les existences ont leur idiome, chaque chose a sa langue privée et la pierre ronde pose la question : “qui s’évade, qui en réchappe ? †. La réponse est simple : Personne. Heureusement le Grand Répondant bafouilla : « Ayant entrepris d’écrire une description de la pierre, il s’empêtra.  ». Alors, pour un moment, l’extérieur du caillou ovale ressemble àson intérieur. Pourtant il doit y avoir au dedans du galet des choses ignorées par la main.


Le Temps

Les chanteurs ne créent pas, le Poète seul crée. Whalt Whitman n’acceptait rien dont personne n’aurait la contrepartie. Je visse une ampoule, tu la devisses, « objection mon amour c’est un culot àbaïonnettes ! ». Le Grand Répondant ne se comprime pas la bouche quand il chante. Quand il touche ce qui le touche, dedans, dehors, c’est un sacré culot l’odeur de sa langue bien pendue au fil noir électrique dans l’escalier d’Alphaville. Dans l’étrange aventure de Lemmy Caution, Un enfant de la balle/ Ca fait ses malles/ Et ça se trimballe partout, n ’importe où..., la lumière pose la question : “qui voyage sans plus jamais se reposer ?†. La réponse est simple : le Temps. Alors prendre les choses du bon côté de la sphère de verre dépoli qui se lance dans le vide avec une foi absolue. Pourtant il doit y avoir au-dedans de l’ampoule des choses qu’Eddie Constantine a ignorées.


Le Phalle

Les mots des vrais poèmes donnent plus que le poème. La sexualité est une affaire sérieuse, trop sérieuse, au goà»t du Grand Répondant. Il compense toute activité raisonnable par un jeu. Le phalle pose la question : “comment ça marche ?†La réponse est simple, c’est un mot qui a été donné par la philosophie grecque, un mot toujours actuel àpartir duquel on pourrait citer de nombreux exemples, par exemple Diogène vivant nu dans son tonneau et qui partageait sa majestueuse érection avec des ingénues, des pauvresses, des prostituées. Alors, elles n’étaient plus vulgaires tout àcoup, elles voyaient qu’elles étaient grandies, elles bandaient leurs bustes jusque làcourbés et leurs seins dressés tout droit faisaient gicler l’admiration : “Dieu la beauté !†. Pourtant il doit y avoir au dedans de ce mot des choses que nous ignorons.


Quelqu’Un

Il a licence d’aller tout doucement et nouvellement et en toute sécurité de jour comme de nuit. Jean-Paul T. Beau voit reflétée en lui la pureté du rhinocéros. Personne, le Temps, le Phalle, se retrouvent dans ses manières. Le monde nourrit des ongulés ànombre impair de toutes sortes en diverses contrées. De source sà»re [ le texte de Callixène de Rhodes qui l’attestait àété perdu mais la description de la procession dionysiaque où il a été reconnu une première fois a été recopiée dans Le Banquet des Sophistes par Athénée de Naucratis ] celui de l’artiste est un rhinocéros éthiopique, une espèce bicorne répandue dans les savanes et àflanc de montagne, caractérisé par une longue lèvre pointue et préhensible. L’animal, ami des plus grands artistes depuis toujours (Rhinocerus, Durer, 1515), victime du braconnage pour ses cornes dont la poudre àla vertu aphrodisiaque fait l’objet d’un commerce international illégal, pose la question : “Qui c’est celui-là ? †. Le Grand Répondant dit simplement : Quelqu’Un. Pourtant il doit y avoir dans la majuscule de l’article indéfini un je-ne-sais-quoi qui garde son mystère.


Toutes photographies copyright Jean-Paul Thibeau

6 juillet 2006
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