La dernière lettre

Le philosophe André Gorz s’est suicidé avec sa femme
AFP | 24.09.07 | 17h20 • Mis à jour le 24.09.07 | 17h25

Le philosophe André Gorz, cofondateur de l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur, est mort, lundi 24 septembre, à l’âge de 84 ans. Il s’est suicidé avec sa femme à leur domicile de Vosnon, dans l’Aube, selon des proches du couple.
Né à Vienne en février 1923, sous le nom de Gerard Horst, André Gorz, considéré comme un penseur de l’écologie politique et de l’anticapitalisme, est notamment l’auteur d’Ecologie et Politique et d’Ecologie et Liberté. Il avait fondé, avec Jean Daniel notamment, Le Nouvel Observateur en 1964, sous le nom de Michel Bosquet.
Après sa retraite dans les années 1990, il s’était retiré dans une maison à Vosnon, à 35 kilomètres de Troyes, avec son épouse, dont il était très épris et qui était atteinte d’une affection évolutive depuis plusieurs années. Selon des proches, c’est une amie qui a constaté le drame lundi matin. Des messages affichés sur leur porte précisaient qu’il fallait "prévenir la gendarmerie".

Le dernier livre d’André Gorz a été « achevé d’imprimer » en novembre 2006, et la Lettre à D. est effectivement l’ « Histoire d’un amour », un « récit » (non pas un roman) tendre et implacable, une marque laissée brûlante dans le sillon creusé par l’existence de ce couple qui s’était jeté dans « l’engagement » (un terme aujourd’hui démodé) à corps perdu.

« Tu lisais Beckett, Sarraute, Butor, Calvino, Pavese. Tu suivais les cours de Claude Levi-Strauss au Collège de France. » C’est le journaliste qui le reconnaît lui-même dans ce livre : « Nous avons fait ensemble presque tous les reportages que j’ai réalisés en France et à l’étranger. Tu m’as rendu conscient de mes limites. »

André Gorz est demeuré fidèle à un certain nombre de convictions politiques, à une sorte de boussole intérieure qui lui a montré le Nord vers lequel pouvait se diriger une société plus juste. On déplore en ces temps d’idéologie rouleau compresseur, et de « retour aux années trente », le silence des « intellectuels » autoproclamés et introuvables : lui, il n’avait jamais abdiqué.

Son dernier geste, fatal et partagé, signe, sur le plan personnel, le refus d’une situation devenue insupportable.

C’est pourquoi le livre bouleversant d’André Gorz impose de nouveau aujourd’hui à son lecteur, et si fortement, la figure, pourtant déjà tracée en pointillé, du testament désormais figé dans les mains notariales du destin.

« Je ne peux m’imaginer continuant à écrire si tu n’es plus » : écrire ou vivre ?

24 septembre 2007
T T+