Nathalie Pierrée | Sans la Joconde
« Ahi està ! » s’écrie un jeune garçon, désignant l’entrée de la salle à ses parents. La voilà ! Salle des Etats, ou plutôt, salle des pas perdus, hall de gare, bourdonnement, mouvement incessant, brouhaha assourdissant… A l’entrée de la salle, un groupe de jeunes enfants, sans doute une classe de maternelle, assis par terre devant un immense tableau. Ils observent, regardent en l’air, autour d’eux, tentent de répondre aux questions que leur pose la conférencière. Je cherche la position stratégique pour observer sans être vue, et surtout me mettre à l’abri de cette cohue, ce brouhaha…. je trouve un rebord près d’une fenêtre où je peux m’asseoir. Pour me donner contenance, je prends un des panneaux explicatifs mis à disposition du public dans toutes les langues. Entre le japonais et l’espagnol, j’opte pour ce dernier. Près de moi, un couple s’embrasse. Devant moi, c’est le manège des visiteurs qui affluent par vagues, comme aimantés par une vitrine placée au fond de la salle. La vitrine est entourée de larges rubans de sécurité destinés à contenir et canaliser la foule, l’empêcher d’approcher. Un gardien sommeille dans son coin. Je me décide enfin à tenter d’approcher à mon tour... Parvenue aux abords de la vitrine, je préfère me tenir à l’écart de la mêlée, n’étant pas armée d’un appareil photo et n’ayant donc aucune raison de m’approcher de l’objet tant convoité. Ayant enfin réussi à contourner la vitrine, je me retrouve de l’autre côté du mur, devant le concert champêtre du Titien, « d’abord attribué à Giorgione » m’apprend le cartel. Quel calme ! J’ai l’impression d’avoir franchi une frontière. De ce côté-ci de la salle en effet on prend le temps de contempler les tableaux accrochés aux murs, on ne cherche pas à s’agglutiner comme des paparazzis autour d’une vitrine, guettant le moment où la vedette va sortir. Je m’absorbe dans la contemplation de La femme au miroir, toujours de Titien. Qu’elle est belle ! Derrière elle, un homme tient le miroir dans lequel se reflète sa coiffure. Je m’approche d’une autre fenêtre, là un homme téléphone discrètement.