Nicolas Buenaventura | Fou amoureux de Conrad

Un des premiers livres que j’ai lus de mon propre gré, sans que personne ne me l’ait recommandé, sans en avoir eu le moindre bruit, le « vent » le plus léger, est Le Duel. Je venais d’obtenir mon bac et j’avais quitté la maison de mes parents pour aller gagner ma vie. Je travaillais dans une librairie et pendant les heures creuses je me promenais dans les rayons.

Je suis tombé sur cette nouvelle (je n’en suis pas sûr mais il me semble que je n’avais pas entendu parler de Joseph Conrad, en tout cas il ne comptait pas parmi les nombreux habitants de la bibliothèque de mon père). J’ai failli perdre mon boulot : je suis tombé fou amoureux de Conrad et j’ai lu tout ce qu’il y avait de lui dans cette librairie. Cela n’a pas seulement été le début d’une passion pour cet écrivain mais aussi celui d’une habitude (ou d’un vice, la frontière entre les deux est souvent dans les regards des autres, question d’appréciation) : l’habitude d’aller voir dans les librairies et de flâner dans les allées, dans les rayons, voir ce qui traîne.

C’est ainsi que j’ai découvert il y a bien une vingtaine d’années à l’aéroport de Bogotá un tout petit livre de Tomás González : Primero estaba el mar (la traduction en français date de 2010 : Au commencement était la mer [1]. Depuis, entre la parution d’un livre et le livre suivant de Tomás González, l’attente génère en moi la sensation presque maladive d’être en manque.

13 février 2013
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[1Editions Carnets Nord.