Raharimanana : Excuses et dires liminaires de Za
Bonlieu, Scène nationale d’Annecy
dans le cadre du temps fort « Slam / Paroles / Urgences à dire »
le mercredi 10 décembre à 19 heures
en présence de l’auteur : Excuses et dires liminaires de Za
d’après Za (éditions Philippe Rey), roman de Raharimanana
mise en voix : Thierry Bedard
avec Rodolphe Blanchet
musique : Tao Ravao
production : notoire / de l’étranger(s) (Paris), Bonlieu scène nationale d’Annecy.
Extrait de la répétition générale du 10 décembre 2008
Quelque part au milieu de l’océan, une terre, une île, des rues, des décharges, des plaines immenses et oubliées où se déroulent des tragédies. Quelque part sur une terre où dominent les puissants. Entre le présent et le passé, la mémoire et l’actualité, un temps brouillé où rien ne distingue les faits passés des faits présents. Face à eux : Za, personnage démesuré à la recherche du corps de son fils emporté dans un ruisseau encombré de détritus, le « fleuve de cellophane ». Sa femme est folle, lui-même a connu la prison, la torture. Il invective, demande pardon, s’humilie, s’esclaffe, chante,récite des poèmes : Za, gorgé de barbarie, est réduit à la seule liberté qui lui reste, une liberté immense qu’il brandit dans son désespoir, celle du langage, celle du rire.
Eskuza-moi. Za m’eskuze. A vous déranzément n’est pas mon vouloir, défouloir de zens malaizés, mélanzés dans la tête, mélanzés dans la mélasse démoniacale et folique. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Si ma parole à vous de travers danse vertize nauzéabond, tango maloya, zouk collé serré, zetez-la s’al vous plaît, zatez-la ma pérole, évidez-la de ses tripes, coeur, bile et rancoeur, zetez la ma parole mais ne zetez pas ma personne, triste parsonne des tristes trop piqués, triste parsonne des à fric à bingo, bongo, grotesque elfade qui s’egaie dans les congolaises, longue langue foursue sur les mangues mûres de la vie. Eskuza-moi. Za m’eskuze. Za plus bas que terre. Za lèce la terre sous vos pieds plantée. Za moins que rien. Za vous prend la parole ô pécé ô pécé, huitième pécé : orgueil de la gorze qui s’ignore vain tambour, mère des échos qui se fracassent sur la souperbe indifférence de nos maîtres qui savent, savent la suave poussance de la force, poussance contre nous acculés, pressés, broyés, savent la vassale laceté à nous rivée à zamais, savent ils savent. Za m’askuze. Za vous prend la parole : pécé ô pécé, huitième pécé, parole prise et raclée dans vos gorzes, parole prise et ciée sur votre langue, za vous prend les mots et Za ne sait qu’en faire : mots émerzeant et razant, mots z’en peuple de démocratie, mots z’en gros et détails, moultitude de mots en progrès équitable -équitable ô ma tequilla, bois en de mon boisson eh vinasseur fini ! Za vous prend les mots, pardon, pardon. Za a pas le droit, pas le droit à la parole. Gros pécé, tabou zusqu’au bout des bouts.
(Extrait de Za)
photo © Pierrot Men