Reverdy revisité
Les liens, la proximité, entre Reverdy et Emaz sont assez clairs, Dominique Viart l’avait signalé ici même, et l’on retrouve cet attachement, comme une reconnaissance, dans la préface que rédige Emaz au beau supplément que la revue Triages consacre, sous sa direction, à Reverdy [1].
Mais le titre, « Vingt-trois poètes et Reverdy vivants », dit assez que la dette ne se limite pas à un seul, mais que, par-delà les générations, toute une part des poètes de ce temps, et parmi les plus jeunes, reconnaît sa place, son importance : voyez ce qu’en disent à travers leurs études ou leurs simples témoignages, Albane Gellé, Lionel Destremau, Emmanuel Laugier, pour citer quelques jeunes poètes, à côté de Jean-Patrice Courtois, « Reverdy 2007 Revisited », ou Jacques Ancet, Pierre Chappuis.
C’est par des poèmes que d’autres, comme Bernard Vargaftig, Alain Freixe ou Jean-Claude Schneider, par exemple, lui rendent hommage, évoquant par là, selon le titre de Pierre Chappuis, la « transmutation miraculeuse » qu’accomplit la parole reverdyenne.
La préface d’Emaz - que suivent une brève chronologie et un recueil d’aphorismes, « Reverdy, à revers », éclaire bien des aspects de la relation si essentielle de Reverdy aux peintres, relation contrastée avec les cubistes, de refus, de « dédain » même, avec les surréalistes ; elle analyse de près sa conception de l’image, et comment elle « n’est pas un moyen de quitter le réel, mais d’en retrouver la saveur profonde, âcre » ; elle expose la vision du poète selon Reverdy, sa hauteur ombrageuse, mais aussi ce sens si exigeant, si émouvant, de la fidélité à soi-même, une fidélité qui n’a comme fin que le poème lui-même, l’éternité qu’il porte en lui, loin des étroites circonstances privées, même si c’est, ou plutôt puisque c’est, le réel le plus proche, quotidien, qui l’inspire : « N’oublie pas. Les mots les plus simples, les tournures de phrases les plus souples sont ceux qui expriment le plus », écrit Reverdy.
Et ceci encore :
Parmi tous les phénomènes sensibles, le poète choisit ceux qui participent strictement du réel. Il faut entendre par là toutes choses simples, profondes, constantes, que le temps n’apporte ni n’emporte, aussi essentielles à l’être humain que ce dernier peut être indispensable à lui-même.
[1] Triages est une publication des éditions Tarabuste.