Thomas Pietrois-Chabassier | Le rêve a pris la...
Le rêve a pris la rue, le soleil tombe jusque dans les impasses. Et là où l’on dormait, dans les centres des villes, dans les faubourgs, dans les hameaux, dans les villages, on se met à parler, à crier, on soulève la paille, on jette la télé, on fait fondre l’asphalte, on brûle les nuages, et on descend, et on approche. Au loin, les palais d’herbe et de verre tremblent. Troublez la terre !
Le rêve a pris les yeux, et les visions détournent, et les illusions tombent dans les reflets de la gamelle. Le peuple invisible des consciences domestiques s’éveille, enchaîné par les jours, il se lève sur ses deux pieds, il brûle le bois des roses, et marche dans les champs gardés, il incendie les clôtures des prés. Au loin, les étoiles s’effondrent, et le siècle nouveau résonne du fond des voix. Troublez la terre !
Le rêve a pris les cœurs, les rivières noires sont déviées contre les chefferies. Sur les pavés, il reste encore du sable. Dans les matins, les fous et les couchés s’éveillent un peu plus, et chaque jour, au loin, devant les barreaux d’or des châteaux de l’assemblée des morts, ils reviennent, en criant sous vos fenêtres : « Troublez la terre ! ».
Le rêve a pris le pays des captifs, les mots s’abattent sur les légions comme la colère de Dieu. Le souffle de la vie frappe les ténébreux qui sortent de la terre, et dans l’aurore qui ressurgit, l’ombre d’un autre monde se lève. Sous les tentes et sur les ponts, autour du feu des joies, sous le brillant des armes prises dans la nuit, ils attendent, ils ne dorment plus, ils attendront toujours, et ils chantent. Troublez la terre ! Troublez la terre ! Troublez la terre !