Un Chemin d’enfance
Marie Alloy sur les pas de Corot.
« Habitant Sin-Le-Noble, toute jeune encore, je prenais le chemin que Corot avait représenté, je l’ignorais alors, pour aller dans ma famille paternelle. Il traversait les champs et longeait de petites maisons alignées. »
Elle note la discrétion qui est (et sera toujours) celle de cet homme qui cherche « la vérité en peinture » et qui n’use jamais d’artifice pour lier ce qui veille et travaille en lui à ce qui s’offre à son regard sensible.
« Nul besoin de pittoresque, l’honnêteté du regard de Corot se révèle, sa vision est claire, sa touche sait être sensation. »
Le passage dans ces lieux dont Corot s’imprégna longuement, non seulement dans Une Route près d’Arras, mais aussi dans Le Beffroi de Douai ou La Route de Sin-le-Noble ou Près d’Arras, les bûcheronnes, est pour Marie Alloy « propice au bourdonnement des souvenirs », qu’ils soient visuels ou plus secrets, plus intérieurs, reliés aux poètes qui ont arpenté ces mêmes itinéraires (d’abord Marceline Desbordes-Valmore puis le jeune Rimbaud faisant halte rue d’Esquerchin à Douai en 1870) ou ancrés dans l’intimité d’un jardin et d’une maison d’enfance bâtie non loin du bassin minier.
Corot aimait les paysages du Nord où il fit de fréquents séjours à partir de 1847. Il se rendait à Arras chez son ami Constant Dutilleux (qui fut son premier acheteur) ou à Douai chez Alfred Robaux. C’est ce que rappelle Marie Alloy, attirée par l’œuvre et par la personnalité (humble, discrète et généreuse) de celui que Claude Monet n’hésitait pas à placer au plus haut : « Il y a un seul maître, Corot. Nous ne sommes rien en comparaison, rien », disait-il. Elle note encore, outre la vie qui n’apparaît jamais figée dans ses toiles, l’importance des ciels chez ce peintre d’extérieur qui prend soin de rester légèrement en retrait mais toujours à proximité de ses personnages.
« Pour Corot, l’étude des ciels était de la plus grande importance parce que de leur traduction dépendait l’entier équilibre et esprit de la toile. »
Marie Alloy : Un Chemin d’enfance, une lecture de Une Route près d’Arras, de Jean-Baptiste Camille Corot (1796-1875), éditions Invenit.