Claude Louis-Combet / L'écriture au corps | |
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Je regarde l'oeuvre derrière moi. Ce n'est pas un chemin parcouru. Ce n'est pas une avancée vers la connaissance. Mais plutôt un piétinement. Une obstination. L'épuisement d'une hallucination forcenée telle que les enfants la connaissent lorsqu'ils obligent leur rêve à prendre la place de la réalité car, sinon, c'est la mort. Il n'y a pas de progrès dans cette entreprise. Il n'y a pas non plus un surcroît de puissance. Depuis le temps qu'il écrit, l'homme qui écrit, s'il n'a pas peur de se regarder en face, peut se dire qu'il n'a encore rien écrit. Il n'a pas encore commencé. Il n'est pas sorti de son balbutiement. Et vraiment comme les bébés qui s'enchantent de leurs lallations sans savoir sur quel abîme de conscience elles déboucheront un jour, lorsqu'ombre et lumière se seront disjointes, il s'était abandonné au jeu délicat et troublant de ses prédilections verbales. Il avait orchestré de son mieux quelques-unes parmi les variations inépuisables de l'Absence et de la Présence. Il avait cru s'insinuer au coeur des mots parce que ces mots-là s'étaient insinués dans son coeur. Et cela, longtemps, lui avait suffi. Et peut-être encore aujourd'hui. Non, toutefois.
extrait de "Miroirs du texte" – Deyrolle éditeur, 1995 (actuellement diffusé par Verdier) |