Pierre Michon / la littérature comme miracle

archives remue.net : état fin 2004 du dossier Pierre Michon mis en place dès 1998 sur le site

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Pierre Michon / Carnets de préparation de la Grande Beune

nouveau (déc 2003 ):
Ivan Farron et Karl Kürtös (éds), Pierre Michon entre pinacothèque et bibliothèque, Berne, Peter Lang, Collection Variations 4, 2003.
Avant-propos / Jean Kaempfer
Pierre Michon est un auteur que les Facultés des Lettres couvrent régulièrement de gloses et de colloques. Ce goût vif est-il réciproque ? A lire « Le ciel est un très grand homme » , on se prend à penser que le glosé doit s’exclamer parfois, comme la Junie de Racine : « J’ose dire pourtant que je n’ai mérité / Ni cet excès d’honneur, ni cette indignité. » Et pourtant. Michon partage avec les clercs qui le lisent le même (léger) inconfort. Ce qui les réunit à l’occasion, dans une salle de séminaire, dans un numéro de revue – c’est l’amour de la littérature. Mais il faut bien le constater : cette ferveur est socialement résiduelle ; nous rêvons parfois pour notre amour les grandes nefs sonores de l’Eglise militante, et c’est dans quelques chapelles exiguës que l’efficience alentour nous relègue et nous tolère. Peu importe, au demeurant : une chapelle peut être un séjour agréable. A condition d’en garder les portes ouvertes – celle qui débouche sur le cimetière aussi bien que celle qui donne sur l’atelier où l’on fabrique les panneaux d’autoroute...

Pierre Michon : un art de la figure / Dominique Viart
Si l’on voulait caractériser l’œuvre de Pierre Michon, on retiendrait bien sûr son talent pour évoquer les « vies imaginaires », selon le titre de Marcel Schwob, qu’il présente « minuscules » ou magistrales, vies de peintres ou d’écrivains, vies de pauvres égarés du destin, qu’il esquisse en quelques traits frappants, désormais attachés à ceux qu’ils représentent. On parlerait aussi de son style, à nul autre pareil, qu’il entend lui même ronfler dans la forge de l’écriture et qu’il commente et critique à la fin des Vies minuscules :
[...] ce penchant à l’archaïsme, ces passe-droits sentimentaux quand le style n’en peut mais, cette volonté d’euphonie vieillotte, ce n’est pas ainsi que s’expriment les morts quand ils ont des ailes, quand ils reviennent dans le verbe pur et la lumière.
Le style donc, et l’évocation de personnes réelles, par l’évocation devenues personnages, dans ce que l’écrivain appelle ses « étés fictifs » (VM 249). Deux notions qui se partagent les acceptions du mot « figure », élaboration de la langue et puissance de suggestion. D’un côté ces « figures du discours », pour reprendre le titre que Fontanier donne à son Traité des Tropes. De l’autre ces caractères dont le peintre ou l’écrivain dessinent le contour, ces « figures exaltantes et aliénantes du passé [...] parées du lustre rétrospectif, légendaire, dont les revêt notre regard ». En ces deux aspects d’une pratique qui peut-être est la même, je vois le talent singulier de Pierre Michon.

La question des genres chez Pierre Michon / Ivan Farron
La plupart des œuvres de Michon – à l’exception nette de La Grande Beune – se situent dans un espace qui hésite entre récit factuel et recours à la fiction. Cette hésitation est en réalité un déchirement. Pierre Michon affirme souvent au détour d’entretiens sa méfiance pour le roman, « genre fatigué » qui aurait produit ses plus belles tentatives au XIXe siècle et dans la première moitié du XXe. Pourtant ses propres livres ressortissent pour une bonne part à la fiction. Ces propos traduisent donc moins un éloignement réel qu’une tension irrésolue.

Une écriture caverneuse / Médiologie et anthropologie dans La Grande Beune de Pierre Michon / Wolfram Nitsch
Dans l’œuvre narrative de Pierre Michon, qui a grandi à l’ombre du Nouveau Roman, la mise en abyme de l’écriture, à savoir sa représentation oblique par elle-même, reste un procédé important. Mais elle y assume une fonction beaucoup plus complexe que celle que lui assigne la théorie du Nouveau Roman forgée par Jean Ricardou. Car au lieu de fermer le texte sur lui-même, de le couper de tout contexte culturel, elle l’ouvre sur une réflexion médiologique et anthropologique. D’une part, l’écriture s’y présente fréquemment comme un médium, c’est-à-dire un moyen matériel de transmission ou d’enregistrement lié à une institution culturelle. Dans Vie de Joseph Roulin (1988), par exemple, le regard postal du protagoniste fait voir la matérialité de l’écriture et de la peinture : le facteur Roulin « ne lit pas entre les lignes, mais les lignes mêmes » , de même que sous ses yeux d’entreposeur les tableaux de son ami Van Gogh se transforment en simples toiles chiffrables et transportables, en une « sainte marchandise enroulée » (VR 41). D’autre part, l’écriture chez Michon se caractérise souvent comme une extension de l’homme, une prolongation des ses organes, par laquelle il extériorise et en même temps stimule les activités qui lui sont propres.

Pierre Michon sur le site des éditions Verdier
bibliographie France et étranger, plus articles de presse, voir en particulier la page entretiens

Pierre Michon et Yaël Pachet, un entretien
le roman comme superstition
initialement paru dans la revue Esprit, mis en ligne sur remue.net à la suggestion de Pierre Michon

invité aux journées Littéraires de Soleure le 11 mai 2002, Pierre Michon publie dans Le Temps "à quoi servent les poèmes?"

avril 2002 : sommaire et présentation de "Pierre Michon, l'écriture absolue", actes du colloque de Saint-Etienne, oct 2001, parution avril 2002

 

 

"La mesure de la grandeur, c’est la violence intraitable, c’est l’orgueil qui ne peut atteindre à la révélation qu’au plus haut du geste crispé. À quoi sert la justesse ? À être à la hauteur de l’enfer..."

un portrait de Pierre Michon par Bernard Simeone

un autre hommage : celui de Jacques Réda
sur le site de Jean-François Duclos, l'étude que Jacques Réda a consacrée à Pierre Michon dans Compagnies de Pierre Michon, Verdier (épuisé)

une autre étude : Ivan Farron, Pierre Michon, un roman familial littéraire - "La fragilité de l’œuvre a ainsi pu devenir la matière même de son énonciation."

Pierre Michon sur Internet

 L'objet roman
entretien avec Marianne Alphant pour la revue Traverses
Marianne Alphant contraint en public Pierre Michon à commenter ses carnets de préparation de La Grande Beune - exceptionnel

nouveau : le roman comme superstition
un entretien de Pierre Michon et Yaël Pachet, initialement paru dans Esprit

entre inspiration et désir
un entretien de Pierre Michon avec Thierry Guichard pour le Matricule des Anges, janvier 1994

croire à la Grâce
un entretien de Pierre Michon avec Jean-Christophe Millois pour la revue Prétexte, 1998

les doigts noirs
une étude critique de Jean-Michel Maulpoix sur Rimbaud le Fils de Pierre Michon

commencer par ne pas écrire
un portrait de Pierre Michon par Jean-Baptise Harang dans Libération, 1996

Pierre Michon, une vocation tardive
entretien avec Marianne Payot pour Lire

Michon inédit

le chapitre III de "Les Onze"
sur le site du Banquet du Livre de Lagrasse, l'explication Michon - Robespierre

portrait symbolique d'un petit homme du Sud
un texte de Pierre Michon sur William Faulkner dans Libération

de Pierre Michon, un fragment sur Balzac, dans Trois auteurs (© éditions Verdier, 1997)`

Toutes les fois que je passe à La Châtre, je pense à Balzac. Non pas en traversant La Châtre du nord au sud, cela se fait par le centre, et il n'y a que des pharmacies, des maisons retapées avec colombages à l'authentique, des bars, une librairie, un distributeur du Crédit Agricole (il est vrai que j'y prends parfois de l'argent, et on devrait penser à Balzac toutes les fois que l'on prend de l'argent). Non, je pense à lui en traversant du sud au nord, direction Bourges, où un sens obligatoire vous dévie dans des faubourgs endoloris à grosses maisons de notaires avec glycines, volets peu ouverts, tilleuls, personne. Alors c'est l'Issoudun des demi-soldes, l'Alençon des antiques, le Sancerre de la pauvre Didine : c'est province comme il n'y en a plus. Je me demande si on y a encore le loisir et la passion de s'étriper pendant toute une vie pour un héritage, maintenant que tout va plus vite. La lenteur est restée là cependant, la lente et terrible vie. Ils sont là, derrière les tilleuls tout au fond des cours, ceux qui sont partis chercher du grain et sont revenus sans paille. On ne les voit pas, ils se cachent de père en fils dans des blouses de pharmaciens, ils colligent des dossiers, des actes timbrés, la poussière les tient. Ils sont là, derrière les grappes de glycines, les poètes qui ne sont pas devenus poètes, les lions qui sont devenus chiens, les amoureuses qui ont vainement brûlé jusqu'à la vieillesse, et dont toutes les supériorités ont fait plaie dans l'âme au fur et à mesure que le froid de la province les saisissait, les gelait, doucement les broyait là - et leur laissait le temps, tout le temps d'y penser.

 

 



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