Diogo Maia | The Blind leading the blind ou Le rapport professeur/étudiant ou Comment partager une peinture (#3)
Parabole des aveugles
Non
Annonciation par l’ange
Non
La pluie tombée sur les justes et les injustes
Non
L’impression du visage sur un tissu
Non
Saint-Suaire
Non
Sensuel
Non
Sans sueur
Mais Non !
Je me disais juste : c’est l’année, de la peinture, c’est l’année de l’année de l’année.
Mais comment ?
Il a fêté son anniversaire, et je me disais : c’est année de la peinture, c’est l’année de l’année de l’année de la peinture, oui, de la peinture.
Je me suis dit que j’allais lui peindre un vélo miroir et que du lac sortirait un autre vélo et qu’il roulerait sans interruption jusqu’au ciel. Je me suis dit aussi, à ce moment-là, que la peinture se partageait avec l’autre.
Mais comment ?
J’avais peur de lui montrer ce vélo-peinture-flamme pointue vers le ciel, car montrer une peinture à quelqu’un a un effet de chute et souvent cela rend aveugle.
Un détour :
Il n’y a pas longtemps, j’ai fait cours, et j’ai voulu présenter à mes étudiants quelque chose que je ne connaissais pas, et j’ai fini par tomber sur la sculpture The blind leading the blind de Louise Bourgeois : bancale, rouge, noire, presque en chute, presque en lévitation. Je n’arrivais pas à y mettre des mots précis.
C’est l’année de l’année de l’année de l’année…
Cela, je l’entendais tous le temps depuis quelques jours, et je me disais que les blinds, les aveugles de Louise Bourgeois me faisaient redécouvrir étrangement la peinture. Tomber tous ensemble n’est peut-être pas si mauvais !
Louise Bourgeois semble être une sorte de dòmna du trobar sculpté, du trobar blessé. Elle paraît être en attente de la merci, du regard, de ses visiteurs, de moi, de mes étudiants. Elle attendait nos regards sans mesure, sans contention. Et ses miroirs inclinables, qu’elle mettait souvent dans ses cellules, nous octroyaient la visibilité impossible d’une peinture.
Je suis sûr que c’est l’année de la peinture !
Je reviens sur le vélo qui monte vers ciel, sur ce cadeau. C’est un retour sur le lac où je me fonds à mon geste en peinture, à l’autre – celui qui peint le vélo, la roue, le cyprès, le bord de la route, ou peut-être, à celui qui le regarde. J’attends un retour.
Un autre détour :
Hier, j’ai parlé à mes étudiants d’Hermaphrodite :
Amoureux
Fusionnés
dans le lac
Ensuite, j’ai parlé de la métamorphose du regard, de l’histoire d’Apulée : je ne vois pas une jument, je vois un vélo, une roue, un cyprès, je vois toujours autre chose !
Monsieur, c’est le regard qui a changé ! finit par me dire un de mes étudiants