fred griot | plateau - quelque chose d’autre que de la littérature









1. fondrement et ventriculation, palpite et tensité


parole, sur scène : piston d’air et non pas joli ton d’une lecture toute intentionnée, bien dite
sans doute rien de pire que de chercher à bien dire un txt, à lui procurer sens en y mettant un ton. il y a plutôt à donner énergie, cette énergie qui fut là lorsque les mots sont montés, lorsqu’ils ont poussé à la page. cette énergie qui est là dans le corps de l’écrivant, cette énergie d’expulsion, de débordement qui est là surgie dans le corps de respiration de l’écrivant.
que le txt-lang sorte du corps, qu’il ne reste pas entre le corps et la feuille, qu’il soit expulsé. là où l’énergie primaire de la parol, ce qui la pousse. là où l’organicité de la parol dans le corps. la tension de parol venue du ventre, du dedans, pas d’ailleurs
alors seulement là peut-être peut-on l’entendre, ça peut faire sens…

dire un texte n’est pas une histoire de cervelle mais de ventrée et de poumon, de tripes et d’air
on se fout de jouer avec la cervelle, c’est d’énergie primaire dont il s’agit, d’organicité, de corps-soufflet… ventrée énorme ou presque éteinte…
il s’agit de risque, d’effondrement — ligne de crête, éboulement, vide — parole asphyxiée exténuée éteinte
ou d’explosion, pression, jaillissement — vibrant gonflant enflant explose
c’est une histoire d’atmos… de très vivant
point d’où la parole démarre… bascule où la parole éboule… dans un souffle

et la ligne de tension jet entre du souffle flux

dans la lecture, ne considérer que la matière textuelle-vocale, brute. pas le sens ni l’intention
le mot « lang » par exemple, comment le dire. le dire comme à plat, cru, net, abandonné, brut. juste sorti de la bouche. avec sa force et dose d’énergie intrinsèque. une parole blanche. une parole lâchée
qu’elle. que la lang. sans en rajouter. sans rien rajouter. nette
dire comme ça


c’est une histoire de dedans dedans
de dedans et de devant, de dedans corps et de dehors autour tout autour, de dehors entourant et passant dans les tubes de la ventrée, traversant la ventrée dans les tuyaux d’air à souffle
de dedans dedans allant vers du dehors dehors. du dedans traversant le dehors. et inverse
c’est du dedans qui sort et du dehors qui entre
c’est du dire du dedans qui court à l’entendre du dehors. par le souffle

le parler c’est un instru à vent, par pression, un instru atmosphérique… c’est le dehors, boule coulée d’air, dans le dedans de la ventrée et du tripes
c’est fondrement et ventriculation… palpite et tensité






2. la matière d’écoute est du palpable fondé sur de l’entendre parlé


parole : il s’agit de besoin, avec montée de souffle, et pas possible autrement
d’un foutu paquet de souffle

on ne peut écrire sans souffle-son. parol lang est même essentiellement souffle-son autour du silence — si tant est que silence est envisageable

essentiellement sons cris syllabes phonèmes sont origine lang
fonctionnant mêlant constituants de silence et de tout bruit tout autour et dedans

lang est d’abord bouche
dan la bouche
le ventre la gorge la tête

lang est bouche
lang est de bouche
lang de bouche

parol lang est souffle
montée une montée de souffle
une montée d’énergie de force de compression de souffle

parol lang est expulsion de souffle
d’abord
cri corps carné viande terre bloc jet
ensuite ensuite réflexivité etc

on ne peut écrire sans son

parol lang est un jet de souffle dans l’espace
le parl est d’abord une trouée
une trouée de cri

parol lang est autour du silence mêlée entre silences



parole c’est émerge d’un matériau brut, puissant. mots à matière souffle respire. mots appuyés condensés pesants. la parole a un poids dans le jeté souffle flux
un poids dans l’appui. dans l’appui du souffle sur l’air de l’entendre

la parole est dans l’entendre. le entendre est comme une tessiture d’écoute qui se tisse. se tisse par la pression et tension du souffle tendu vers le dehors. le dehors coule le souffle dans les dedans dedans des autres. qui ne font plus qu’un, respire ensemble : c’est l’entendre.

le entendre est du palpable. de la matière d’écoute. la matière d’écoute est du palpable fondé sur de l’entendre parlé

la parole portée est lancée vers ce palpable d’écoute là






3. la lang carnée | on ne peut pas de loin


la parole portée du dedans dedans du corps sort carnée. avec son souffle et son corps tout entier
la lang portée par la parole est carnée elle aussi. in-carnée

on aimerait peut-être de la lang extérieure à la lang, dé-charnée
mais être à l’extérieur de la lang ce n’est pas possible. essayer d’être à l’extérieur de la lang c’est sentir que l’on est dedans. qu’on ne peut plus être dehors
la lang est carnée toujours parce que dedans. parce qu’on est dedans elle comme elle est dedans nous
on aimerait dire la lang de l’extérieur. comme neutre atone comme parole blanche. mais on ne peut qu’avec de la lang dire la lang
la lang qui est dedans nous
on aimerait dire la lang de loin doucement — mais on ne peut pas de loin


on est toujours dedans dedans. la parole est un morceau du corps. il y a la respiration et la parole dans les mêmes tubes






4. jusqu’au bout maintenant de dire ça | quelque chose d’autre que de la littérature


il n’y a plus d’autre possibilité maintenant que de la dire avec le corps, ça, cette lang

écrire par le plein de la bouche et du corps
lang physique lang organe

parole : la retrouver c’est aussi se libérer du langage évolué pour retourner à la lang. la primaire, l’archaïque, l’organique. celle qui souffle du dedans dedans
ce n’est plus de la pensée ce n’est plus intellectualisé, c’est quelque chose de physique maintenant. quelque chose de chair et de bouche quelque chose de concret palpable là-dedans

la parole est avant la lang. la parole vient du ventre, du corps, du souffle, avant la lang... comme née plus antérieurement, plus archaïque, plus originelle, plus proche de notre préhistoire vocale que la lang normée
la lang ça sert à former la parole. ça vient ensuite. ça sert ça sue ça mécanise la parole

c’est comme si, peu à peu, on pouvait moins faire confiance à la lang, ne plus l’utiliser telle quelle — elle a été trop détachée, au fil des siècles, de ses fonctions organiques archaïques, tellement intellectualisée — que ressens le besoin lancinant de trouver une lang propre, un patois. de malaxer cette pâte, de la dé-syntaxer pour trouver ce patois. retrouver la pâte de souffle, primaire

le langage est pour beaucoup encore soumis aux règles, à la lang sociale, aux règles de la lang du corps social.
le langage n’a sans doute pas d’abord surgi d’une nécessité d’expression, de communication sociale, mais d’exploration. dans ce sens il est nécessaire de redécouvrir une lang téméraire, curieuse, exploratrice, risquée, affranchie. portée devant. une lang sauvage.

il ne s’agit plus de la suivre, de l’utiliser, normée, mais de laisser la parole carnée paroler d’elle-même

ce qui ramène au corps. encore. à cet appel du corps respire
à une lang et parole comme ne pouvant plus se dispenser du corps

oui c’est ça c’est physique. une lang organique carnée. c’est aussi concret que de souffler marcher. de plus en plus concret même. du tâter pâte-mot à tâton

il s’agit d’aller jusqu’au bout de dire ça
il s’agit de savoir ce que l’on tiens dedans

on peut aller plus loin. disloquer encore plus
quelque chose d’autre que de la littérature






5. c’est ce quelque chose là lui-même qui est dedans


je ne sais pas ce que mon écriture veut dire, je ne sais que ce qu’elle dit
un sens au ras des mots, un sens qui est dans ce ras des mots. logé dans l’énergie primaire qui les traverse et les lie. dans ce premier degré. il ne s’agit pas d’aller chercher plus loin un sens plus élaboré. la signification est dans ce mot à mot, non plus haute

je n’écris plus sur quelque chose c’est ce quelque chose là lui-même qui est dedans

comme toujours, aggraver tout cela
pas besoin de raconter quelque chose pour que quelque chose se raconte






6. ce qui s’échappe


ce qui s’échappe
être exactement là de ce qui s’échappe

sur scène : parler comme sans soi, comme on écrit sans soi
comme sans soi au-delà de soi autant que possible. glissant en avant de la pensée, en delà de la maîtrise. lâcher, laisser, après long éprouvant mâchage, après épuisement de la matière, laisser échapper, pfuit ! la parole respirée

parler dans l’échappement, parler dans le souffle échappe
la parole soufflée du ventre vers l’entendre, flèche flot flux fluide tendu, lâchée
alors quelque chose d’autre que l’auteur ou l’acteur parle : ça parle
dans le lâché monte cette parole respire
on n’exprime plus rien, on ne travaille plus rien, ça pogne et mâche la pâte de parole sans pensée. ça se fait
c’est tout
le corps roule et parole déroule sans soi. le corps respire parole sans soi
ça rencontre la matière d’écoute. c’est lancé vers ce palpable d’écoute là






7. être exactement là


être exactement là
où ouvre
reçoit
où cela arrive traverse

quand dehors le dedans vient dehors
dehors et pénètre
où le corps recevant, traversé, au-delà du corps producteur, au-delà du soi produisant, tout ouvert, parole
le corps perméable, poreux, enfin dégagé de soi. transpercé par la parole dans ce palpable d’écoute là
où recevant, tout dedans connecté au tout autour, et inverse
tout traversé comme au milieu de tout
le dehors dehors en souffle avec le dedans dedans respire
au bord sur le fil la ligne de crête
où de sa propre cinétique la parole roule enroule déroule
où la parole échappée

être exactement là






8. aggraver


beaucoup sont allés peu à peu vers une réduction, j’ai commencé par peu de mots et continué ainsi… une économie. une économie de moyens… le nu, le pauvre, le tout nu d’peu d’mots de la lang… le tout nu bourré à paroler, bourré à pêter d’énergie. le désapoil de la lang plein de force et profération, respirement et soufflation

maintenant je sais que ce n’est pas seulement le point de friction, d’échec, de la lang au silence qui m’obsède… mais son point d’émergence… c’est-à-dire dans le corps, quand le corps gonfle sa bulle de parole…
ça reste très proche

aggraver la perte de maîtrise de lang après épuisant ramâchage pour qu’échappe enfin souffle

mâcher. perdre encore plus. échappe du dedans vers d’hors. aller au-delà encore. peut pas arrêter là. pas possible encore. toujours encore. du fond encore. perdre encore



9 juillet 2007
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