Histoires (jour 9)
C’est la semaine prochaine, mon jugement. A. dit que pour lui, c’est pas grave, il est placé depuis ses deux ans. C’est pas pour moi, le problème. C’est pour ma petite sœur. Elle a cinq ans. Elle va passer au CP, l’an prochain. Elle aime les Barbie, les jeux, autre chose encore (c’est moi qui n’ai retenu que le nombre, il y a trois sortes de choses qu’elle aime). A. lui a offert quelque chose à Noël, une de ces trois choses, le frère aîné l’autre. Sa maman manque à la petite fille, elle est en famille d’accueil. Moi j’ai toujours été en foyer, c’est pas pareil. On va voir ce qu’ils disent, le jour du jugement. Ils vont étudier la situation, voir comment maman a encaissé le coup. Et s’ils peuvent la lui rendre. Ma petite sœur, elle a appris quelque chose à l’école, tu sais ce que c’est ? Non, dit l’éducatrice, attentive, celle qui s’occupait de Mamadou avec infiniment de précautions. Il montre, furtif : un doigt d’honneur. Oh. Tu lui as dit que ce n’était pas bien, n’est ce pas ? Oui. Tu sais, dit l’éducatrice, ça, c’est la cour de récréation, elle n’apprend pas que ça, à l’école.
J’espère qu’elle ne sera pas comme moi. Ni comme mon frère.
Mais enfin, elle aurait de la chance d’être comme toi (nous deux, en chœur, l’éducatrice et moi).
Je veux dire scolairement ça va, c’est vrai, si elle est comme moi scolairement, ça va. Mais du point de vue du comportement, qu’elle ne soit pas comme mon frère et moi.
A. joue avec son stylo. Puis le stylo a disparu. Il le cherche partout. Soupçonne un vol. Quelqu’un le lui a emprunté, il est heureux de le retrouver.
On lit les textes. On remarque que dans chacun, après le monde recommencé, c’est l’école qu’on invente, même si le combat continue, Mandeep a écrit : on continue à se battre. Ce combat, on ne lui demande pas s’il est sanguinaire, comme chez A., ou s’il est lutte pour la survie. On est au paradis, et on vous assure, on continue à se battre.
Quant à moi, je lis un petit texte que j’ai écrit pour accompagner les dessins faits pour accompagner l’histoire qu’on a racontée.
Maintenant, A. va lire son texte. La guerre sanguinaire est devenue sans merci. Les passés simples ont été corrigés.
À cet instant, je me retournai et je vis des hommes et des femmes. Je me demandai comment ils étaient arrivés là. Je réfléchis un moment. Après quelque minutes, je trouvai la réponse : c’était moi qui les avais créés. Ils sont apparus tout nus, et tous avaient entre vingt et trente ans. Alors je les menai jusqu’à une gigantesque grotte, la grotte de Lascaux. Ils y virent plein de dessins, ils décidèrent de faire pareil. Ils commencèrent à dessiner sur le mur. Puis ils chassèrent et s’habillèrent. Après quelques années, je créai l’école. Après cet événement, les années passèrent, et rien ne bougea. Les gens meurent et ils se reproduisent, dans l’harmonie. Deucalion meurt et à cause de cette mort, deux camps se créèrent et une guerre commença, sans merci.
Le texte de Mandeep (et de sa bande) est très organisé.
1. Ils sont morts.
2. Ils sont tous morts.
3. Ils sont tous morts dans l’eau.
4. Il reste deux personnages.
5. Ils sont allés voir un arbre.
6. L’arbre leur dit : ramasse les os de ta mère. Je ne le fais pas, dit Deucalion. A la place il va ramasser des cailloux. L’arbre leur dit : marchez et jetez les cailloux derrière vous. Après ils font un nouveau pays. Ils vivent bien. Les gens peuvent y travailler parce qu’ils ont de la terre. Ils ont un bon jardin. Les enfants, ils vont à l’école. Les gens ne sont plus malades. Il n’y a plus de covid. Ils ne meurent plus. Ils continuent à se battre. Tout le monde a du bien-vivre.