Les filles bleues de l’été

Premier roman de Mikella Nicol


Elles sortent àpeine de l’adolescence, étouffent dans la ville et veulent mettre àprofit l’été pour laisser derrière elles ce qui empoisonne leur existence. Pour l’une, c’est une rupture amoureuse, avec un homme indécis parti rejoindre celle qui partageait auparavant sa vie, et pour l’autre, c’est un mal-vivre bien ancré qui l’a amené, un jour, àrosir l’eau de sa baignoire avant d’être hospitalisée dans une clinique. Clara et Chloé quittent la ville pour vivre une saison en forêt, dans un chalet au bord d’un lac où elles se retrouvaient déjàdu temps de leur enfance.

« Â Les semaines ont passé. Le mois de juillet était partout, caniculaire sur nos peaux brunies, prêt àlaisser aoà»t venir. J’avais survécu aux éclats de mon amour et j’étais forte, j’avais les pieds enracinés dans une terre tranquille. Les hommes ne me toucheraient plus. Et j’écrivais. Et je buvais. Le monde était tout aussi àl’intérieur de moi qu’àl’extérieur.  »

Les deux voix s’entremêlent. La narration, simple et limpide, doit beaucoup àla poésie. Toutes deux s’épanouissent et goà»tent àla liberté, dans un paysage lumineux. Leur amitié devient de plus en plus fusionnelle. L’homme indécis revient, troublant àpeine leur séjour, et repart peu après, les laissant vivre au plus près de la forêt, de ses bruissements familiers, de ses odeurs, de ses vies secrètes et minuscules, dans la plénitude qui s’en dégage.

« Â Si nous voulions faire cesser le mouvement continuel de nos esprits et simplement nous aimer, il n’y avait qu’àouvrir les bras et àsaisir la brise qui s’élevait de notre lac.  »

Ces jours vécus loin de l’agitation urbaine vont bientôt se terminer. L’arrivée de l’automne sonne le retour àla ville, au travail, aux appartements, aux trottoirs bondés, àl’angoisse, aux démons que la saison chaude n’a pas réussi àannihiler. Ils réapparaissent, toujours aussi virulents, et il leur faut trouver la parade pour s’en préserver, si possible définitivement.

La solution sera radicale. Pas besoin de longs conciliabules. Elles savent ce qu’elles veulent : retourner en été, en forêt, près du lac et découvrir ce qu’il y a de l’autre côté de l’eau, avant qu’il ne soit trop tard, avant que la glace ne l’emprisonne.

Ce qui étonne dans ce premier roman de Mikella Nicol (née au Québec en 1992), c’est la douceur qui s’en dégage. Son écriture en est nourrit. Y compris quand la chute, inéluctable, et sans retour, se précise. Elle parvient, et c’est làoù son texte puise sa force d’attraction, àapaiser les déchirures et àraconter des moments graves et décisifs (ceux du grand départ pour nulle part) avec tendresse et délicatesse.


Mikella Nicol : Les filles bleues de l’été, Le Nouvel Attila.

Jacques Josse

29 janvier 2023
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