Premier rendez-vous au lycée

Théâtre fermé, librairie et médiathèques soumises à des jauges strictes... La bonne nouvelle, c’est que les rencontres au lycée Marcel Cachin de Saint-Ouen peuvent avoir lieu et c’est un vrai soulagement.

(Petit rappel, c’est l’occasion et il faut toujours sauter sur les occasions : Marcel Cachin était un homme politique français, né le 20 septembre 1869 à Paimpol et mort le 12 février 1958 à Choisy-le-Roi. Il a été député puis sénateur socialiste puis communiste de 1914 à 1958 (pas sous l’Occupation est-il judicieusement précisé sur sa fiche Wikipédia). Par ailleurs, il a été directeur du journal L’Humanité de 1918 à sa mort en 1958.)

Revenons-en à nos lycéens. Des lycéens. Une classe de secondes. Qu’est-ce que j’y connais en lycéens ? Il est vrai que j’en ai à la maison, pas tous les jours mais souvent. En chair et en os. Je parviens donc à me faire une idée de ce à quoi ça ressemble. Mais je ne suis pas enseignant...
Cela dit, ce projet de résidence pose une question bien différente : il ne s’agit pas de les élever, ni de les éduquer. Il ne s’agit pas non plus, comme lors des rencontres dans le cadre du prix des lycéens et apprentis de la région, de les rencontrer une seule fois puis de repartir. Plusieurs rencontres sont étalées sur plusieurs mois. Nous avons le temps de créer quelque chose, de nouer un lien, de travailler sur un projet. Une rencontre de plusieurs mois, ça compte, c’est le début d’une histoire, c’est un bout de chemin que l’on va faire ensemble. Un chemin confiné, certes, mais un chemin. Après tout, la littérature ne se confine pas, ce serait même plutôt l’inverse.
Certes, il a fallu s’adapter à la situation et réorganiser le programme prévu. Ainsi la visite de la librairie Folies d’encre et celle de la médiathèque ont été remises à plus tard (a priori au mois de mars voire au mois d’avril).

Louana Rondini, chargée des relations publiques et de l…˜action culturelle de l’Etoile du Nord, m’y accompagnait afin de présenter le théâtre et le projet de résidence pour la première rencontre, début janvier. Nous avions cette question en tête : comment mettre en relations le lycée et le théâtre alors que l’un est fermé au public et l’autre soumis à des mesures strictes ? Nous n’avions pas de réponse mais une certitude : on s’adaptera, on trouvera des solutions.

C’est à Saint-Ouen que ça se passe. Pile entre le métro Carrefour Pleyel et le métro Mairie de Saint-Ouen. Le lycée est en travaux. Une partie est détruite, l’autre en reconstruction, à moins que ce soit l’inverse. Quant à l’organisation, elle est en théorie simple mais je n’ai jamais été très fort pour les théories : "Les divisions sont accueillies par groupe de demi-effectif selon les répartitions déjà effectuées. Les deux groupes sont nommés groupe 1 et groupe 2" (personnellement j’aurais choisi d’autres noms - tiens, pourquoi pas "mairie de Saint-Ouen" et "Carrefour Pleyel" ? - mais il faut admettre que "groupe 1" et "groupe 2", ça a le mérite d’être clair). "Les élèves du groupe 1 viennent suivre les cours au lycée les matins des semaines paires, les élèves du groupe 2 suivent les cours au lycée les après-midis des semaines paires." Pour faire plus simple, on a regroupé tout ce beau monde au CDI du lycée si bien que je ne saurai sans doute jamais qui sont les élèves du groupe 1 et qui sont ceux du groupe 2. Enfin, "un sens de circulation est mis en place depuis le lundi 9 novembre à 8h00"... ce qui nous a laissé le temps de préparer un itinéraire fiable.

Nous voilà accueillis par Fiona Guillet, professeur-documentaliste et Adèle Briandet, professeur de français. Clément Degout de la médiathèque de Saint-Ouen nous rejoint dans la foulée.
La priorité était d’instaurer un dialogue avec les lycéens. J’étais le premier écrivain vivant qu’ils rencontraient. Nous leur présentons le projet, parlons du théâtre, de la médiathèque, de la lecture. Je me présente, leur parle de mon activité d’écrivain, de mes projets passés et de mon projet en cours. Il s’agissait d’un rendez-vous pour faire connaissance, entamer le dialogue, bref : briser la glace. Après les présentations, sont venues les questions, assez nombreuses, sur l’écriture, le métier d’écrivain et l’édition, sur la naissance des personnages, sur ce qui motive l’écriture d’une histoire. Commence-t-on par choisir un thème ou s’impose-t-il une fois l’histoire lancée ?

Vint ensuite le temps d’un atelier d’écriture. Une page avec des mots imposés. Ils étaient libres dans la forme. Passant parfois un œil par-dessus une épaule, je suis parvenu à saisir quelques mots, les pages se sont noircies, lentement au début, plus rapidement par la suite. Fiona Guillet et Adèle Briandet passant de table en table pour aider certains verrous à céder. Un gong a retenti (c’est une image, n’allez pas imaginer un énorme gong en plein milieu du CDI, les moyens de l’Éducation nationale sont très limités et pour un gong pas trop mauvais, faut compter au moins mille euros).

Peu ont osé lire, certains ont accepté qu’on le fasse à leur place. Il y a eu de belles choses, des clins d’œil à Brel où l’ombre d’un chien est remplacée par celle d’un pigeon, des textes allant se réfugier du côté de l’humour, d’autres allant piocher l’inspiration dans les affres de la mélancolie. Un début prometteur...

23 janvier 2021
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