Réflexions cornéliennes...

En pleine réflexion àpropos de l’écriture de ma pièce de théâtre sur le harcèlement scolaire... Envie et besoin de partager mes pensées, mes idées...

Une des difficultés consiste, semble-t-il, àtrouver un équilibre mais est-ce vraiment pertinent, sur le plan dramaturgique, de se censurer pour que la pièce puisse être jouée ?

Je m’explique. J’ai le souhait de montrer de façon violente et réaliste des scènes de harcèlement ou des conversations àpropos de sexe, en faisant parler des jeunes dans un langage sans filtre, la langue que beaucoup d’entre eux emploient. Je n’ai pas du tout envie d’écrire une histoire feutrée au sein de laquelle il n’y aurait pas un mot plus haut que l’autre. L’emploi de termes sages et conventionnels serait un non-sens au regard du sujet traité qui part souvent d’incompréhensions entre individus.

En faisant lire àdes profs les premières scènes, je constate qu’il y a deux réceptions différentes, deux types de retours. Une partie des lectrices et lecteurs trouve que c’est conforme àla dure réalité et ne voit aucun problème àdonner ces textes àleurs élèves. L’autre partie tique en trouvant que ça va trop loin, tant au niveau des situations que du langage employé. Craignant de choquer les adolescents, ils ne conçoivent pas du tout de les faire travailler sur mes scènes.

Qu’en est-il des élèves ? Ils sont surpris de découvrir ce qu’on leur donne àlire. Il y a souvent un malaise. J’aperçois une ou deux expressions choquées, je ne sais pas encore si c’est dà» au sujet lui-même ou àla façon dont je le traite. Il y en a qui ne semblent pas comprendre spontanément que c’est pour leur montrer des situations inacceptables. Nombreux sont les élèves àfond dans l’histoire. La technique du théâtre-forum (consistant àpermettre au public de proposer des issues alternatives positives) fonctionne très bien pour mes scènes et contribue clairement àl’assimilation des bons réflexes pour lutter contre le fléau du harcèlement. Certains adolescents se prennent au jeu en interprétant des harceleurs. C’est probablement un risque si l’on ne cadre pas. Il faut rappeler que le jeu théâtral peut être ludique mais que le fond du sujet reste très grave. "Attention de ne pas reproduire des scènes dans la vraie vie en prétextant que c’est pour de faux."

Dois-je donc édulcorer davantage ma pièce pour qu’elle puisse être diffusée plus largement ou faut-il que j’aille au bout de mon parti pris en me coupant, probablement, de l’accès àun type de public et àdes débouchés ? Y a-t-il une troisième option ?

Vue de lettres depuis le lycée Newton

17 mars 2023
T T+