André Markowicz | Un entretien aléatoire (10)

Le pêcheur laisse dériver sa barque

Sur les deux rives les pêchers en fleur

Il contemple les arbres aux fleurs rouges

Il arrive aux confins du courant bleu

Brusquement il se voit dans une grotte

Mais un espace vaste s’ouvre ensuite

Plus loin encore il trouve des nuages

Il entre et là il voit mille maisons

Comme il avance vient à sa rencontre

L’homme lui dit son nom et son prénom

Lui et les siens ils portent des habits

Ils ont vécu ensemble sur les terres

Loin au plus loin hors d’atteinte du monde

Les maisons sous les pins au clair de lune

Quand le soleil a percé les nuages

Surpris de recevoir un visiteur

Chacun l’invite chacun lui demande

Quand le soleil est haut les fleurs des arbres

Quand le soleil se couche au fil de l’eau

Pour échapper aux désordres du monde

Ils ont vécu comme des immortels

qui sait dans la vallée où ils habitent

Nous de chez nous regardant l’horizon

Pourrions-nous croire que ce lieu existe

Mais le cœur du pêcheur est de poussière

Il a repris le chemin de la grotte

Il a fait ses adieux à sa famille

Il se laisse guider par la mémoire

Mais entre-temps les montagnes les passes

plusieurs courants amènent désormais

au retour du printemps chaque rivière

Il ne sait plus où retrouver la source

Note :
J’ai découvert ce poème de Wang Wei (701-761), un poème de sa jeunesse, à travers sa traduction par Armand Robin, « Allure de fontaine et de fruit », publiée dans Poésie non traduite, I, pp. 23-25, au moment où Françoise Morvan rédigeait sa thèse de doctorat d’Etat sur cet auteur à qui nous devons notre rencontre (Armand Robin, Bilans d’une recherche, Université de Rennes-II, 1988). Le poème et la traduction sont analysés dans le volume II, pp. 380-387).
Je l’ai traduit à partir de deux séries de sources. D’abord, deux mots à mots. Le premier trouvé sur le magnifique site internet de Mark Alexander (http://www.chinese-poems.com/peach.html), le second fourni par mon ami Yann-Varc’h Thorel, grand connaisseur de la Chine et auteur d’une anthologie de la poésie Tang en langue bretonne (Yann-Varc’h Thorel, An anv dinamm, an divarvel forbannet ha fur ar varzhoniezh, Skrid, 1996).
J’ai également étudié une série d’autres traductions, parmi lesquelles je citerai :
- Wang Wei, Les Saisons bleues, l’œuvre de Wang Wei, poète et peintre, éd. Phébus, 1989, p. 22. — Étude et traductions passionnantes de Patrick Carré.
— Wang Wei, Paysages : miroir du cœur, traduit du chinois par Wei-Penn Chang et Lucien Drivod, collection « Connaissance de l’Orient », Gallimard, 1990, p. 97.
— Wang Wei, Poems, Penguin Books, 1973, Translated with an introduction by G. W. Robinson, p. 34-37.
— Pauline Yu, The poetry of Wang Wei, new translations and commentary, Indiana University Press, Bloomington, 1980, pp. 59-61.
— Vikram Seth, Three chinese poets, (translations of Wang Wei, Li Bai and Du Fu), Harper Perennial, 1993, p. 14.
Et trois différentes traductions anglaises de la célèbre anthologie des Trois cents poèmes Tang :
— Three hundred poems of the Tang Dynasty, 618-906, a Translation with Notes and Commentary of the Study and Appreciation of the Chinese Poems. Translated by Witter Bynner, Book World Company, s.d. Taïpei, p. 203.
— 300 Tang Poems, translated by Innes Herman, The Far East Book Co., Ldt, Taipei, 1973, 2000 (j’ai utilisé l’édition de 2000, p. 240)
— Three hundred Tang Poems, translated and edited by Peter Harris, Everyman’s Library, Pocket Poets, 2009, p. 225