Atelier 62

La librairie Libralire vous invite à une soirée autour des éditions Le temps qu’il fait en présence de Martine Sonnet à l’occasion de la parution de son livre Atelier 62
et de Denis Hirson pour son ouvrage Jardiner dans le noir.
Le jeudi 6 mars à 19 heures
Libralire : 116 rue Saint-Maur, 75011 Paris
Métros : Parmentier-Saint-Maur.


Parler de son père. Lorsqu’un auteur s’affronte à cette figure, il essaye souvent, inconsciemment peut-être, de tout refonder, pour être enfin vraiment le fils ou la fille de celui-là. C’est une refondation qui engage la littérature elle-même. Filiation qui ne prendrait corps que par l’écriture et les choix qu’elle opère. On pense évidemment à La Place ou Une femme d’Annie Ernaux qui entrait en littérature en disant d’où elle venait, une épicerie d’Yvetot.
Le père qu’on découvre dans Atelier 62 s’appelait Amand Sonnet, et a été pendant 16 ans forgeron aux usines Renault de Billancourt. Parti de la campagne normande (près de Flers, Orne) pour trouver un métier à salaire régulier, lui, le forgeron de village qui n’osait pas aller réclamer son dû chez ses débiteurs, trop voisins ou amis. La forge industrielle paye peut-être régulièrement, mais comment s’imaginer la chaleur, le vacarme, l’épuisement physique ? Martine Sonnet, sa fille, n’a pas su tout, n’a pas tout compris du travail de son père, de sa vie en dehors du cercle familial. D’une certaine manière, elle a dû oublier pour quitter le milieu d’origine, entrer dans d’autres cercles. Il lui faut donc chercher, lire des cartons d’archives à la Bibliothèque nationale, des publications scientifiques, interroger des fonds photographiques. La mémoire personnelle et l’enquête se mêlent, le souvenir du père allant encore glaner de la chicorée dans des talus de banlieue et les échanges de courrier entre les délégués du personnel et la direction.

« Département 62. Etant donné qu’il y a un plus grand nombre de pilons et de machines à forger que l’année dernière, et que l’atmosphère des forges devient de plus en plus irrespirable, que rien n’a été fait pour améliorer l’aération et l’évacuation des fumées et de la chaleur, les ouvriers demandent que la prime de chaleur qui leur est accordée parte du 15 mai au 15 octobre et qu’elle soit portée à 10 fr. de l’heure etc.
Réponse de la direction : La direction confirme la réponse qui a été faite au chef du département. Le récent aménagement des salaires des ateliers des forges tient compte des incommodités inhérentes au travail sur outils des forges : pilons, moutons, etc. La prime de chaleur ne se justifie donc plus. La direction a toutefois maintenu cette prime et lui a même fait subir des majorations de 5,5 % et 2,5 %. »


Une lutte pied à pied, pour des casiers, de l’eau, des chaussures de protection, pour que les doigts sectionnés ne soient plus jetés à la fournaise, pour mourir un peu moins jeune. L’écriture entrecroise ainsi les réalités d’une classe ouvrière et les souvenirs d’enfance, le ton neutre de l’archive, des chiffres, des listes d’organigrammes et l’intimité du papier Vénilia adhésif sur les murs de la salle de bain. De là naît ce livre original, en quête des origines, et où ces deux voix, ces deux tonalités témoignent d’une réconciliation. Car il a fallu apprendre les mots, l’histoire, faire un autre métier dans un autre milieu, pour pouvoir ensuite dire son père et témoigner de ce passé. « J’ai perdu le dernier lien avec le monde dont je suis issue », disait Annie Ernaux à la mort de sa mère. Mais il en reste ces textes de filiation dans lesquels se place Atelier 62. Et c’est cela la littérature. « Parce qu’il n’y a plus rien à voir à Billancourt. »
Et qu’en ces temps de fausse mémoire, il est nécessaire de ne pas oublier les cadences infernales, l’abrutissement des corps.

remue.net avait publié des textes préparatoires et des extraits de ce livre Atelier 62, sous le titre Forges de Billancourt.


Pour accompagner la lecture de Atelier 62 :

« Paroles de voitures » dans la rubrique Mémoires sur le site de Nicolas Frize.

Sur le site de l’INA :

Les rues des ouvriers Renault de Billancourt
VIVRE AUJOURD’HUI
ORTF - 22/08/1971 - 00h06m55s

L’usine sera loin
L’AVENIR EST A VOUS
ORTF - 14/08/1961 - 00h04m45s

Le Critique ou « Georges PEREC à la chaîne »
Lire
ORTF - 09/11/1965 - 00h21m29s.

28 février 2008
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