Charøgnards
Premier Roman de Stéphane Vanderhaeghe
« On échange des poignées de mots écorchés touchant de près ou de loin aux charognards qui trouent le ciel et parent les rues. »
Au départ, les habitants tentent de minimiser leur inquiétude en blaguant (« on se croirait au cinéma ») mais bientôt tous considèrent la menace trop forte pour pouvoir continuer à vivre comme si de rien n’était. Les visages deviennent graves. Les paroles se font rares. Le curé a été attaqué puis haché menu à coups de becs et de griffes au pied de son autel. Les villageois commencent à faire leurs valises et à migrer. Le narrateur, qui s’obstine à rester en espérant des jours meilleurs, voit également ses proches s’en aller.
« Personne ne se risque plus dans nos rues – qu’on dirait placées sous couvre-feu. Moi-même j’évite désormais, dans la mesure du possible, de quitter la maison, sans toutefois pleinement m’y résoudre. Sommes condamnés à l’autarcie, moi et les quelques autres qui n’ont pas fui. »
Claquemuré chez lui, il va progressivement tout perdre. Famille bien sûr, puis repères, travail, voisins, mais aussi sa raison et sa propre identité. Le « je » narratif du départ va se transformer en « tu ». L’homme qui note un quotidien où il ne maîtrise plus rien (pas même la notion du temps) se trouve désormais en train de regarder vivre un autre. Son écriture en pâtit. Qui devient de plus en plus squelettique. Ainsi que sa santé mentale. Qui s’effrite.
C’est la lente, l’irrémédiable chute d’un être malmené par les événements avant de finir épuisé, à bout de souffle, que conte Stéphane Vanderhaeghe dans son premier roman. Il parvient à changer de registre d’écriture quand il le faut et serre constamment de près les funestes personnages (ces charognards en ordre de bataille) d’une histoire qui ne peut que mal se terminer, tant il paraît vain de vouloir résister seul, arc-bouté sur son morceau de territoire, quand tout autour la guerre fait rage.
Stéphane Vanderhaeghe : Charøgnards, Quidam éditeur.