La Lettre à Mathilde ou La main de Dieu

De Jean-Paul Rolland, inventeur de son état, on sait peu de chose, hormis la liste (non exhaustive) de ses trouvailles :

1983 - La Chesnaie : découverte de la roue où une pile fait tourner une roue qui voit son énergie redistribuée par des dynamos à la pile.

1983 - Rétraction de la lumière, ou en deux mots le pourquoi de la rétraction : des éclairs dans la nuit ou l’obscurité.

1983 - Sens de l’électricité ou magnétisme terrestre, sens de sa rotation.

1983 - Rêve... Vélo dans une roue.

1983 - Rêve... Patins sauteurs.

(...)

1983 - Tracteur à plusieurs actions simultanées

(...)

1983 - Vitesse de la lumière : elle s’efface avec le temps

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Auteur d’un texte unique, étincelant comme un diamant brut, Jean-Paul Rolland rédigea d’un jet sa Lettre à Mathilde en 1987, et passa les années suivantes à en réécrire cinq versions successives dont celle publiée est la plus récente.
D’aucuns diraient que Jean-Paul Rolland est fou. Schizophrène même. Et sans doute l’est-il. Mais qui dit folie n’exclut pas pour autant passion de l’écrit. Voire, elle peut l’attiser comme en témoigne cette étonnante Lettre à Mathilde que nous offre un éditeur avisé, Pierre Eyzeguier pour ne pas le nommer. Si celui-ci a subtilement divisé le texte en quatre parties respectivement intitulées « grande emmêlure », « un menuet de centaure », « Pluton un peu plus loin » et « pour quand le finish ? », il n’en a pas moins respecté au plus près la typographie et la mise en page originale du texte, soucieux de trouver « l’équilibre entre la lisibilité attendue d’un livre et l’irréductible singularité de ce qui reste, au bout du compte, un poème d’un seul tenant ».

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J’ai été génovéfain

Maintenant

Je suis Marie Lune

Captif du puits

Redoutables creux de

Jouissances

De rien

Tout renaît frénétiquement

Les proprioceptives démarches

Te déshabillent des regards

Malins

Voulant t’épingler un corsage de plus

A leur chambrée divinité

La loi des prégnances

Avait sombré comme une simple psalmodie [1]

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Il y a des corps majestueux, prestigieux d’élégance, de grandeur, qui passent leur temps à la danse, aux magnificences. Ils chantent l’amour éternel, la gloire de toujours. Est-ce la reine des blés couverte de lumière, Ô AMANTS CHALEUREUX, le rêve, l’amitié, la gaieté, la suivent comme des perles de rosée. Ô DÉLIVRANCE, fruits succulents aux arômes délicats du soleil des tropiques, où coule la sève magique dans ta forêt de fauves que tu domptes câlinement, calme caprice rugit plus fort que la tempête, tu joues de dévérités, pour endiguer ta loi, afin de crier plus fort la VÉRITÉ [2].

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D’ellipses en néologismes, de ruptures dans la pensée en éclats de voix, il n’y a rien à comprendre, rien à traduire, rien à interpréter, mais il y a à voyager, à suivre cette pensée qui se déroule entre prose et poésie, turbulences et répits, cris et murmures. Et si l’on en sort étourdi, on apprend aussi que la folie n’est ni sans gloire ni sans souci.

Maintenant après être hospitalisé chez mon ami le docteur Claude Jeangirard toujours très dévoué à la cause des malades, je recherche une issue à mes écrits et mes découvertes. Je pense que ce livre mal écrit fera avancer la psychiatrie… Je donne à tous les médecins du monde la possibilité d’expliquer cet échec relationnel avec Fanny Verlet qui n’a fait que faire douter les soignants de l’époque à une impossibilité relationnelle avec quiconque, ce qui fut une erreur fatale qui laissa un fils sans PÈRE… Pouvait-on faire autrement… Nous étions les uns et les autres trop forts et trop orgueilleux pour faire sentir dans le dédale de l’histoire, nos faiblesses [3].

José Morel Cinq-Mars

La Lettre à Mathilde ou la main de Dieu, Jean-Paul Rolland, publié aux éditions Petite Capitale, 127 rue Amelot, 75011 Paris, 192 p.


Illustration : La Calipette, Jean Dubuffet, 1961.

24 mai 2009
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[1p. 133

[2p. 95

[3quatrième de couverture