Martin Rueff, Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel aux éditions Hermann



C’est dans la collection « Le Bel Aujourd’hui » chez Hermann que paraît l’imposante et passionnante traversée de l’œuvre de Michel Deguy par Martin Rueff. Les liens tissés entre les deux poètes, les deux philosophes, intellectuels, traducteurs et éditeurs sont nombreux. Le livre de Martin Rueff vient confirmer cette profondeur.

Parce qu’il s’agit bien avec la poésie (de Michel Deguy) de « transformer le possible en réel et le réel en possible » (p. 96), le livre de Martin Rueff offre une plongée dans l’œuvre de Michel Deguy, une immersion qui ne saurait être un enfermement. Ce que l’œuvre et la pensée de Deguy nous apprennent, c’est cette ouverture constante au monde. Aussi peut-on lire ce Différence et identité comme une véritable lecture générale de la pensée contemporaine car la raison poétique de Michel Deguy est ce point d’articulation vital de la pensée et du monde — et que Martin Rueff pourrait ailleurs désigner comme une allégresse pensive.

Outre un profond travail de (et avec) la citation, le livre de Martin Rueff, par son ampleur et sa densité, rompt avec l’ambiance lisse et superficielle de l’époque. Sujet oblige, certes. Mais la tente qu’il dresse (pour reprendre une image de l’auteur) plante en profondeur les piquets généalogiques de son analyse (d’où un usage intempestifs des notes en bas de pages qui viennent toujours creuser et préciser le propos jusqu’au tourbillon).

A l’occasion de cette sortie, les éditions Hermann, Danielle Cohen-Lévinas et Martin Rueff ont autorisé remue.net à publier un premier extrait de Différence et identité... en attendant une prochaine rencontre remue.net en janvier autour de ce livre.

On rappellera au préalable quelques liens utiles autour des deux auteurs, d’abord le dossier Michel Deguy sur remue.net, ensuite les articles consacrés à Martin Rueff sur remue.net, enfin le site de la revue po&sie, précédemment évoqué ici.

(Sébastien Rongier)



« Je voudrais parler aujourd’hui de poètes et de poésie, et je me sens un peu gêné. Ce n’est pas seulement moi qui ai perdu l’habitude, c’est la critique, c’est le lecteur. »
Albert Thibaudet « Sur la poésie » (1928) in Réflexions sur la littérature




Qu’est-ce que l’amateur de poèmes, emporté par l’émotion d’une expérience saisie dans la vibration condensée de la langue, soulevé et suffoqué par le battement profond d’une rencontre toujours imprévue et qu’il entend préserver dans son mystère, peut attendre d’une étude critique sur un poète, surtout quand elle s’abrite sous ce titre spéculatif : différence et identité ? La lecture seule, avec ses écorchures et ses gerçures, ne suffit-elle pas ? Ne vaut-il mieux pas que la poésie, et, en l’occurrence, l’œuvre de Michel Deguy, fasse son chemin, souterrain et déflagrant, risqué et évident, intime et immédiat ?

Qu’est-il besoin, n’est-ce pas, d’expliquer ? Pire : le poète sur lequel nous nous penchons n’est-il pas aussi un philosophe profond qui s’explique et fort bien ? Ne suffirait-il pas alors de renvoyer ses poèmes au système ouvert de ses essais comme si les seconds organisaient l’intelligibilité des premiers ? Pourtant un tel renvoi est rien moins que simple – comment montrer par exemple qu’une poésie « illustre » une poétique ou qu’une poétique « explique » des poèmes [1] ? Il n’y faut pas seulement du tact mais une théorie de la forme capable de montrer la pensée à l’œuvre dans le poème. De telles questions touchent d’emblée au « rapport » de la poésie et de la philosophie, comme le suggère Hegel dans les derniers chapitres de l’Esthétique. Car si « c’est dans le mot que nous pensons », pour le philosophe la poésie maintient l’Esprit prisonnier de la matérialité du langage (musicalité, figurativité). Pour Hegel, c’est donc avec la philosophie, et avec la philosophie seulement, que l’esprit se trouve définitivement rapatrié chez lui parce que la pensée, après un long parcours, y sera délivrée de l’immédiateté sensible et condensée de l’œuvre d’art. La poésie s’achèverait ainsi dans la prose philosophique qui la récapitulerait en la libérant (Wiederholung) [2]. Et si Hegel reconnaît un instant à la poésie le privilège de se situer sur le même « terrain » que la philosophie [3], s’il la place à deux doigts du savoir absolu, et déjà dans le savoir absolu, c’est parce qu’il lui promet sa relève dans l’idée de poésie qui sera la prose du concept, au lieu où, se retournant sur elle-même pour se comprendre dans le miroir de la spéculation, elle acceptera de se perdre, ravalant l’Eurydice de tout poème dans l’enfer de la nostalgie et atteignant enfin le lieu du savoir absolu où elle s’effacera dans sa pureté de prose [4].

Pourtant, pour que la périphrase philosophique puisse avoir le dernier mot, il faudrait que soit résolue l’énigme de la forme poétique qui n’est rien d’autre que la forme de l’expérience condensée dans celle qu’un poète sait donner à la langue. Or rien n’interdit d’approcher cette énigme tout à la fois logique et sensible. Qu’on s’y essaie et la lecture de la poésie ne se trouve plus coincée entre le mutisme de l’expérience poétique (ou son ressassement) et sa traduction dans la prose de la philosophie qui la réfléchit en poétique. Il faut inventer un point de vue sur le poème qui n’en fasse pas le lieu du commentaire mais qui le laisse produire ses vérités en indiquant comment adviennent ses opérations dans cette langue dont il indique, comme la philosophie, les limites. Il faut inventer la paraphrase. Reprenons à Wittgenstein l’image de la mouche emprisonnée dans le verre : elle indique la condition de l’homme pris dans les limites du langage. S’il est vrai que la philosophie contemporaine a fini par reconnaître que, pour la mouche, le verre est inévitable, on dira que la poésie s’emploie à décrire cette condition à l’intérieur du verre pour envisager la possibilité que la mouche puisse s’envoler un jour, fût-ce pour retourner sous le verre ou traîner sur son bord.

Situer la poésie et la poétique de Michel Deguy nécessite alors qu’on s’explique rapidement sur trois questions. La première touche à ce qu’il faut entendre par situation, la deuxième au rapport de la poésie et de la philosophie (on dira un mot du titre à cette occasion), la troisième, enfin, à la manière dont il faut entreprendre la lecture de cette étude.

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« Aucun poète, aucun artiste, dans quelque art que ce soit, n’a son sens complet par lui-même. Le comprendre, l’estimer, c’est estimer ses rapports avec les poètes et les artistes qui sont morts. On ne peut pas le juger tout seul ; il faut le mettre (you must set him), pour l’opposer ou le comparer, au milieu des morts. J’entends ceci comme un principe de critique, non pas simplement historique, mais esthétique. »

Thomas Stearns Eliot, « La tradition et le talent individuel », (1919), Essais choisis, Paris, Seuil, traduction Henri Fluchère corrigée, 1950, p. 29.



Situer la poésie, qui voudrait, aujourd’hui, se donner cette peine ? Qui le voudrait et qui le pourrait ? L’enjouement stupéfiant de l’auteur d’un Panorama de la poésie française contemporaine comme le catastrophisme navrant d’un critique empêtré dans l’énième cérémonie des « adieux à la littérature » proposent sans grand changement l’erreur symétrique de Démocrite et d’Héraclite dans les doxographies antiques [5]. Le premier veut faire part de « l’enthousiasme » que lui inspire la poésie française contemporaine – et il est vrai qu’il n’y a jamais eu, en France, à ce jour, autant de poètes qui publient, lisent en public, autant d’éditeurs et de revues de poésie. (Encore faudrait-il objecter que ces poètes ne sont pas lus, ce qui peut créer quelque embarras et jeter un soupçon sur la valeur de cet enthousiasme.) Le second pratique l’antimétabole des doctes en évoquant le passage déplorable d’une « poésie de la catastrophe » à une « catastrophe de la poésie ». Ni l’un ni l’autre ne prennent la peine de situer pour s’éjouir ou se contrister [6]. Or Spinoza avait bien dit à Oldenburg qu’il ne s’agit ni de rire ni de pleurer mais de comprendre.

Certes, l’expression, « situer la poésie » correspond à des significations et à des tentatives bien différentes. On pensera à Paul Valéry (« Situation de Baudelaire »), à Walter Benjamin qui écrit à Scholem : « je veux montrer comment Baudelaire est enchâssé vigoureusement dans le XIXe siècle », mais aussi à Sartre dans Questions de méthode ou à la « situation du dict » de G. Trakl par Martin Heidegger [7]. Situer c’est à chaque fois rapporter des formes à une histoire, c’est-à-dire, peu ou prou, avoir une certaine idée de l’histoire. Situer la poésie ce n’est pas simplement l’inscrire dans son histoire, mais dans l’histoire ou, plutôt, dans ses histoires sans oublier l’histoire qui s’ouvre avec elle [8] – comprendre l’articulation de l’histoire politique ou de l’histoire de la philosophie avec l’histoire de la poésie n’est pas chose aisée, pas plus que ne l’est le rapport de l’histoire de la poésie à celle de la langue, de ses transformations politiques, sociales, subjectives. Seuls les plus obtus comprennent la question de la situation en termes de « réduction » (sociologique, économique, philosophique, etc..). Ils restent prisonniers du schème mal entendu d’une poésie comète impossible à situer, collection d’hapax et de constellations inexplicables. Ils dessinent des cartes où les fleuves sont privés de source et dont l’embouchure se perd. On a du mal à inscrire les noms dans le paysage. On se perd et on se prend à rêver sur des portulans anciens où la poésie semblait plus facile à situer [9].

En dépit de ses inachèvements et de sa difficulté, l’étude de Walter Benjamin sur Baudelaire, dont je reprends le titre et dont j’essaie de prolonger l’enquête, eût dû les convaincre [10]. Situer un poète c’est se donner le moyen de le lire : se loger dans la réceptivité imposée par son œuvre, l’habiter, faire se rejoindre les conditions de son intelligibilité et les dimensions ouvertes par sa sensibilité [11]. Comprendre sa beauté.

Toute situation de la poésie implique une réflexion sur l’imaginaire politique et social de la langue, une thèse sur les rapports entre les catégories historiques et les catégories linguistiques. Cette conviction animait la pensée de Walter Benjamin [12]. Elle est au cœur de la réflexion de Michel Deguy sur la langue de la littérature – « qu’est devenue la beauté ‘en français’ (ou du français, si vous préférez) ? [13] » et de ses méditations récurrentes sur la traduction.

Pour situer la poésie en France aujourd’hui [14], il faudrait faire état de ce que devient la langue dans la société du « capitalisme culturel », ce qui ne signifie pas seulement faire œuvre de grammairien, ou de politologue, mais comprendre ce que signifie parler à quelqu’un aujourd’hui, s’adresser à lui, concrètement, in situ – au moment même où la société des images a transformé la prise de parole en spectacle. Il est évident par exemple que le succès d’une certaine pratique musicale qu’on veut faire passer pour de la poésie (et même pour la poésie) consiste à gonfler les effets de la langue pour les rendre spectaculaires et audibles. Encore faudrait-il rappeler que c’est précisément ce contre quoi la poésie qui s’écrit depuis un siècle a tenté de lutter. Mais on pourrait aussi se demander si le public contemporain est disposé, préparé à « entendre » ce que peut faire la poésie maintenant - les anciennes batailles pour le vers libre attestent qu’il fut un temps où les lecteurs de poésie, toujours peu nombreux (mais quand même), pouvaient s’enthousiasmer pour une métrique nouvelle dont les modulations passeraient probablement inaperçues de la plupart des lecteurs aujourd’hui ? Si, aux lecteurs du XIXe siècle, cette poésie procurait de grandes jouissances, n’est-ce pas d’abord parce qu’elle apportait des innovations que, sauf les critiques professionnels et les poéticiens, nous ne percevons plus ? Mais, aussi et surtout, parce que les lecteurs de poésie de l’époque savaient davantage de poésie que nous ?

Un poète remarquait que le discours sur la place réduite accordée à la poésie dans nos sociétés avait fini par occuper plus de place que la poésie elle-même [15]. Deguy constate : « il y a retrait. » Il demande : « la poésie est-elle une chose du passé ? » [16] Il n’a de cesse de complexifier le diagnostic mais ne veut rien ignorer de ce qu’il appelle parfois un « coup de théâtre » qu’il décrit en ces termes :

Plus rien de ce que l’Europe – et le monde occidental avec elle- entendait par poésie, de la fin du XVIIIe siècle […] jusqu’au milieu du XXe siècle, c’est-à-dire Walter Benjamin, Heidegger, Adorno, etc., plus rien de la complexité, de la radicalité, de la profondeur, de la « Dichtung-Poïesis », n’est en cause et en jeu dans les manifestations publiques, les débats et la plupart des publications qui intéressent ce que, par homonymie, nous appelons encore poésie [17].



A l’origine de cette étude, il y a donc comme une inquiétude ou un scrupule : et si le divorce avec le public, consommé par les célébrations de la poésie qui en désamorcent l’usage comme la portée, ne provenait pas seulement du public et des poètes, mais aussi de la rareté d’un discours critique susceptible de dire au public (sans doute moins hostile qu’on ne veut le dire, et indifférent quand non alerté) ce que font les poètes [18]. Pensons à l’histoire de l’art du XXe siècle : rares furent les périodes où les formes proposées par les artistes furent plus éloignées de la conception que le public se faisait de la peinture ou de la sculpture. Et pourtant, grâce à l’œuvre de grands critiques, questionneurs et accompagnateurs méticuleux, hommes de goût et de concept aussi (on pense à Clement Greenberg ou, plus près de nous, à Arthur Danto [19]), les formes les plus étranges nous sont devenues familières. Nous avons appris à les voir parce qu’on nous a dit comment les regarder. Nous y sommes attachés. Nous y reconnaissons l’art vivant. Pourquoi donc l’écart creusé par la peinture avec l’horizon d’attente de la vision commune pourrait-il être plus facilement comblé par des discours d’escorte que celui que creuse la poésie par rapport à l’horizon d’attente de la parole ? Faut-il penser que les lecteurs sont moins prêts que les spectateurs à se laisser convaincre par les nouvelles formes du langage, à céder ce qu’ils considèrent comme le terrain naturel de leurs pratiques ? Toujours est-il que pour la poésie, le discours des éclaireurs a fini par manquer. Or les lecteurs de Mallarmé et de Celan (pour indiquer deux sommets poétiques) savent le service qu’ils doivent au travail patient des grands exégètes capables de situer leur dire et leur dit : leur poétique et leur poésie. On ajoutera que ce travail fut souvent, et malgré qu’on en ait, contemporain des œuvres de création [20].

L’étude qui suit se présente comme une tentative d’approche d’un grand poète français contemporain, réputé difficile, et dont la difficulté tiendrait en partie au rapport poésie et philosophie. Mais il faut inlassablement rappeler que la difficulté de la poésie est inhérente à l’emploi même qu’elle fait du langage. Elle le détourne vers l’intérieur ; elle le retourne à l’envoyeur. La dimension philosophique d’une poésie n’est qu’un cas particulier de sa difficulté de principe – « de tout temps ne fut-elle pas clamée obscure. » [21]


Martin Rueff


Martin Rueff, Michel Deguy, situation d’un poète lyrique à l’apogée du capitalisme culturel, Editions Hermann, 2009. ISBN : 9782705667306

14 octobre 2009
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[1Pour une bibliographie complète des écrits de Michel Deguy, cf. Hélène Volat et Robert Harvey, Les écrits de Michel Deguy, IMEC, collection Inventaires, 2002. Le recensement s’achève en 2000. On peut le compléter par la bibliographie rédigée pour Le grand cahier Michel Deguy qui couvre les années 2000 à 2006 (Le bleu du ciel, Bordeaux, 2007, p. 330-334).

[2Cf. Jean-François Marquet, Miroirs de l’identité ; la littérature hantée par la philosophie, Paris, Hermann, 1996. Cf. aussi Restitutions, livre dont le titre dit la méthode et son horizon, Paris, Vrin, 2007.

[3« S’il est vrai que la pensée se dégage ainsi de la forme sensible, on se demandera maintenant : quel sera donc dans la poésie, à défaut du son, l’élément extérieur et objectif dont l’art ne peut se passer ? Nous pouvons répondre simplement : c’est la représentation intérieure, l’image présente à l’esprit. Les objets que représente la poésie doivent bien, sans doute, être mis devant nos yeux, mais ce spectacle s’opère d’une façon purement spirituelle. L’esprit se trouve ainsi en face de lui-même et sur son propre terrain. » Hegel, Esthétique, volume II, Paris, Librairie Générale Française, 1997, p. 406.

[4Une véritable interprétation de la poésie dans L’Esthétique de Hegel doit tenir compte d’un fait textuel dont il ne me semble pas qu’on ait tiré toutes les conséquences : la poésie n’est pas seulement le dernier des arts romantiques, eux-mêmes dernière forme du système des arts particuliers, ni même celui où culmine la synthèse de la peinture et de la musique, synthèse qu’il faudra bien malgré tout s’essayer à comprendre puisqu’elle pose le double critère du rythme et de l’image. La poésie est la grande rivale de la philosophie : sa sœur ennemie, si cette expression n’était pas réservée aux frères. En d’autres termes, platoniciens, la poésie occupe dans L’Esthétique le rôle de la sophistique dans le Sophiste, et non pas de la poésie dans la République. Je tiens donc que toute L’Esthétique de Hegel est construite pour départager la philosophie de la poésie. Il est remarquable que ce fait ait pu échapper à la philologie hégélienne. Les meilleurs commentateurs ont tenté de montrer en quoi la position finale de la poésie dans L’Esthétique était une position ultime. Il fallait dire aussi en quoi cette position ultime constituait un ultimatum pour la philosophie. Et pourtant les indices ne manquaient pas, ni les mobiles du crime. Cf. deux grands commentaires inédits en français de Hans Georg Gadamer et Peter Szondi. De Gadamer, cf. « Die Stellung der Poesie im System der Hegelschen Asthetik und die Frage des Vergangenheitscharakters der Kunst » in Asthetik und Poetik, I (Kunst als Aussage), Gesammte Werke, Tübingen, Mohr, 1993 ; de Szondi, Hegel Lehre von der Dichtung, Poetik und Philosophie, I, Frankfurt, Suhrkamp, 1974. Dans la traduction italienne que j’ai pu consulter, La poetica di Hegel, Turin, Einaudi, 2008, les pages que Szondi consacre à la poésie (p. 183-215) ne font pas état de la rivalité avec la philosophie. Jean-Marie Schaeffer veut voir dans ces pages de L’Esthétique de Hegel le triomphe d’une interprétation herméneutique de l’œuvre d’art, cf. L’art de l’âge moderne, l’esthétique et la philosophie du XVIIIe siècle à nos jours, Paris, Gallimard, 1992, pp. 218-228.

[5Jean-Michel Espitalier, Caisse à outils, Un panorama de la poésie française aujourd’hui, Paris, Pocket, 2006 ; William Marx, L’adieu à la littérature, histoire d’une dévalorisation, 18ème-20ème siècle, Paris, Minuit, 2005.

[6Cf. « là-bas l’engourdissement et l’obsolescence du poétique, et ici la programmation du ‘Printemps des poètes’ », Réouverture après travaux, p. 103.

[7« Situer veut dire ici avant tout : indiquer le site. Cela signifie ensuite : être attentif au site. Ces deux démarches, montrer où est le site et se rendre attentif à lui, sont l’acheminement préparatoire à une situation » Acheminement vers la parole, Paris, Gallimard, 1976, p. 42.

[8« Les monuments existants forment entre eux un ordre idéal que modifie l’introduction de la nouvelle (‘vraiment nouvelle’) œuvre d’art. » Thomas Stearns Eliot « La tradition et le talent individuel » (1917), in Essais choisis, op.cit, p. 29.

[9Las, la distinction des poétiques essentialistes et des poétiques conditionalistes proposées par G. Genette, indique moins une solution que le problème lui-même. Cf. Fiction et Diction, Paris, Seuil [1991], 2004, p.94-95.

[10Charles Baudelaire. Un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, traduction Jean-Yves Lacoste, Paris, Payot, 1982, réédition « Petite bibliothèque Payot », 2002. Sur le Baudelaire de Benjamin, cf. désormais le livre posthume de Jean-Marie Palmier, Walter Benjamin, le chiffonnier, l’Ange, et le petit Bossu, Paris, Klincksieck, 2006, pp. 320-324, pp. 395-396, pp. 417-420, pp. 456-7, pp. 641-642.

[11On en trouvera un exemple dans les lectures proposées par Claude Mouchard dans Qui si je criais, Œuvres témoignages dans les tourmentes du XXe siècle, Paris, Laurence Teper Editions, 2007.

[12Cf. Giorgio Agamben « Langue et histoire (Catégories linguistiques et catégories historiques dans la pensée de Walter Benjamin) » in La puissance de la pensée, Paris, Rivages, 2006 (trad. Joël Gayraud et Martin Rueff), pp. 33-49.

[13Le grand cahier Michel Deguy, p. 25. (Cf. aussi pp. 21-22) et « Français » dans Le sens de la visite, Paris, Stock, 2006, p. 118.

[14Michel Deguy s’y emploie dans « Il se fait tard » et « Histoire de la poésie » Réouverture après travaux, Paris, Galilée, 2007, p. 103 sq. et 119 sq.

[15Jacques Roubaud, « Absence de la poésie ? », Le Débat, n°54, mars-avril 1989, p. 187. Cf. aussi Jacques Dupin, « Eclisse », in M’introduire dans ton histoire, Paris, P.O.L., 2007, p. 35 sq.

[16Réouverture après travaux, p. 87 et 103.

[17Poésie et valeur, Poetry and Value, opuscule traduit et édité par Christopher Elson, Halifax, éditions VVV, 2004, p. 17.

[18Michel Deguy a fait part de cette inquiétude : « même réunis en conclave, petit ou grand, de ‘spécialistes’, de plus ou moins doctes, nos questions ne peuvent pas être essentiellement étrangères à celles d’un public ‘large’ de lecteurs auxquels s’adresse le poème. Elles procèdent de, et retournent à, l’intérêt pour la poésie, sa confection (défection) en poèmes, sa continuation ou non. Faute de quoi, si le cercle de ‘l’explication’ et celui de la lecture n’interféraient plus, il n’y aurait plus d’invention ni de perpétuation de cet art » « Du ‘signe ascendant’ au ‘sphinx vertébral’ » in Poétique, 34, avril 1978, pp. 226-240, ici p. 227.

[19Clement Greenberg, Art et culture [1961], Paris, Macula, 1988 ; Arthur Danto, La madone du futur [2000], Paris, Seuil, 2003.

[20« L’étude littéraire » que Thibaudet consacre à Mallarmé paraît en 1912. Cf. La poésie de Stéphane Mallarmé. Etude littéraire, Paris, Marcel Rivière, Ed. de la Nrf.

[21Michel Deguy, Donnant Donnant, Poèmes 1960-1980, Paris, Poésie/ Gallimard, 2006, p. 8.