Michaux remue, Remue danse

De Michaux, les premiers souvenirs sont des encres. Multiples taches noires ordonnées et mouvantes, bien qu’immobiles dansantes.

Elles me semblaient, petite fille, dessiner des phrases avec des images, comme un enfant qui sait à peine former ses lettres aime à écrire « comme un grand ». Je n’en saisissais pas davantage.

Bien plus tard, les chromosomes x et y m’ont rappelé ces chorégraphies-là.

Longtemps ces taches dont j’aimais me souvenir m’ont laissée au bord des textes. La peur d’être déçue sans doute. Si vous êtes comme moi, ces Conversations avec Henri Michauxvous aideront à pousser la porte de cet univers sans limite, à ouvrir Plume, L’Espace du dedans, La nuit remue, Ecuador et d’autres Exorcismes et à saisir encore une fois les signes infimes du peintre. Derrière chaque son, chaque tempo, Michaux balance la démesure de son écriture, qui coule. Intarissable et retenue.

Si vous êtes déjà conquis, vous reconnaîtrez dans ces textes des comparses - complices épars assez secoués pour être remués, eux aussi. Vous verrez à quel point point les membres de la rédaction de notre revue s’impliquent. Ces conversations nous invitent à y venir sous des angles souvent neufs, toujours vifs. - Peut-être le général Instin a-t-il suscité Michaux parmi les fantômes, peut-être l’a-t-il convié à se joindre ainsi à nous, les vivants ?

Toujours est-il qu’on le reconnaît bien là, dans ce texte, ses corps dansants, son écriture protéiforme jamais lasse. Car chacun évoque sa perception de l’œuvre, quelques-uns de plain-pied conversent tandis que d’autres analysent ou s’en élancent - comme d’un trampoline.

Sous ces plumes bien trempées, Michaux tourne par petites touches sensibles, kaléidoscope dans la lumière. Non seulement il danse, pour Éric Pessan, en chorégraphe, mais en plus il règne sur le fantastique qu’est le monde de Patrick Chatelier, tandis que Nicole Caligaris place le geste et la geste au centre du corps. Jusqu’à tracer, dit Pierre Vilar, des idéogrammes - avec rythme, ponctue Jérôme Roger.

L’originalité de ce recueil, outre sa sensibilité, tient en ce qu’il rassemble des textes de tous horizons. Qu’ils soient chercheurs, musiciens, écrivains ou danseurs, tous ont voulu écrire un texte qui évoquât ou qui s’inspirât de l’oeuvre admirée, avec fougue, et sans emphase universitaire. Par ordre alphabétique, ils se nomment François Bon, Nicole Caligaris, Patrick Chatelier, Haydée Charbagi, Sarah Debove, Nicolas Devigne, Catherine Jourdan, Fabrice Lambert, Michel Luneau, Françoise Nicol, Éric Pessan, Jérôme Roger, Pierre Vilar.

À lire sans mesure pour danser avec Michaux, Bon, Caligaris - et si vous voulez danser à votre tour.


Conversations avec Henri Michaux, sous la direction de Pierre Vilar, Françoise Nicol et Guénaël Boutouillet. Aux éditions Cécile Defaut. 208 pages, 18 €.

16 septembre 2008
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