Anne Luthaud | 10 fois une minute #3

Une minute

Se concentrer. Laisser flotter. Laisser advenir. Des voix ? Un ruisseau ? une rivière ? Bord de mer avec vagues. Bord de mer tendre, Méditerranée. Avec chaleur, donc. Pieds dans l’eau, je marche, elle glisse jusqu’à

Une minute

Un brouillard aiguisé et blanc. Des aiguilles qui perforent le cerveau, traversent les yeux. Cinglent l’orbite, irritent le crâne, piquent les tempes et glissent dans les sinus

Une minute

9h05. Une minute àattendre. A voir arriver des mots ou pas. A guetter. Laisser faire. Lâcher ils disent, toujours lâcher. Lâcher quoi ? Tout ? Comme mourir alors ? Ou

Une minute

Du vent. Du vent parce que la moto roule vite. Je lui sers la taille. Elle roule plus vite encore. J’aime la vitesse, elle le sait. Lui aussi roulait vite en voiture, un léger plissement des lèvres, une courbure quand il accélérait, c’est tout.

Une minute

Rugueux, âpre, légèrement brutal, la brà»lure me reste aux lèvres, envie que ça continue néanmoins, il y avait de la ténacité dans ce baiser

Une minute

Il y a un cageot sur le toit de zinc en face. Il est en bois blanc. Le vent souffle fort et semble secouer les immeubles Le cageot ne bouge pas.

Une minute

On ne sait pas comment ça commence, on sait que quelque chose est en train d’advenir. On guette ou on lâche, on est avec du matin au soir, les nuits sont agitées et mouvantes. On veille, on serait prêt àabandonner de trop

Une minute

Comme un réveil. Et le bleu monte au dehors. Ne pas envisager, d’avance, la journée entière. Etre àl’instant de ce commencement. Quand rien n’est fait encore, rien d’advenu, aucun

Une minute

Et le couple qui danse àla fenêtre le matin ? Je les vois depuis la mienne. Un souffle, une brise, ce qui serait du bonheur ? Et pourquoi ce mot est impossible. En trouver un autre

Une minute

Un autre mot qui dirait la légèreté, des effluves comme traces au ciel rose du matin, qui dirait, mousseline, de l’eau laissée dans une flaque sur une plage, qui dirait nuit chaude quand

Une minute

Le couple de la fenêtre en face ne danse pas ce matin. Je les aime parce qu’ils dansent le matin. Trop d’attente aujourd’hui, trop de questions, ça enserre et ça blesse.

19 avril 2020
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