Benoît Artige | Figures libres, Alberto Giacometti
À en juger par le catalogue raisonné qu’un expert de Sotheby’s avait commencé à établir, il y avait tant de faux Giacometti circulant de par le monde que leur nombre dépassait celui de la production originale du maître. Le filon était intarissable, on en exhumait de toutes parts : de l’arrière-cuisine d’un döner kebab de la banlieue de Berlin, des caves d’un appartement du 11 rue Simon-Crubellier (Paris 17ème), des réserves jusqu’alors inexplorées du Stedelijk Museum d’Amsterdam, du salon d’apparat d’un des dirigeants de l…˜Uzbekneftegaz, d’un container prêt au départ sur un quai du port du Havre. C’était des copies pour la plupart effroyablement mauvaises, dont la réalisation grossière provoquait parfois l’hilarité, parfois l’indignation, ne dupait que ceux qui voulaient bien l’être. Cependant, les curieux se pressèrent nombreux à l’exposition qu’on organisa en forme de happening pour réunir tous ces faux Giacometti avant de les détruire : le plus étrange, disait-on à mi-voix en déambulant parmi ces silhouettes dont les ombres filiformes semblaient raturer les murs blancs, c’est qu’on a beau savoir que ce ne sont pas les vrais, ça touche pareil.