Benoît Artige | Figures libres, Jean Marais
Parvenu au faîte de sa gloire, Jean Marais décida de s’enfermer dans sa propriété de Sologne, entouré de ses chiens et de quelques fidèles. C’est qu’il craignait ne plus jamais pouvoir se défaire de l’immarcescible et apollinienne beauté dont, film après film, il était devenu le symbole. Il exigea que les miroirs fussent tendus de draps opaques et que l’eau du lac soit toujours maintenue trouble et vaseuse : il ne supportait plus d’y devoir affronter son image. Il vécut là, terré comme une bête, attendant que les années passent et le débarrassent de ce visage qu’il ne supportait plus ; chaque matin, du bout des doigts, il cherchait vainement sur sa peau les premiers signes d’une vieillesse qui tardait à venir. Ce fut son front qui soudain se fronça comme papier de soie : le monstre apparut enfin derrière le masque divin, la joie de vivre reprit le pas sur la mélancolie. Soulagé de ce fardeau, Jean Marais put enfin s’extraire de sa retraite, dont d’aucun pensait qu’on ne le reverrait plus réapparaître, pour tourner des films assez médiocres, puis finir ses jours sur la Côte d’Azur en bouliste heureux.