Granits - 1


LE JARDIN


Le vieil homme retourne au fond du jardin
quoi ? un orvet avec un bout de bois
ou cet éclair avec un arbre ?
Par-dessus les pointes rouillées du portail
les oiseaux détalent à tire-d’aile ;
les autres rebondissent contre les mimosas
de la foi.
Le jardin fait aimer tous les orviétans de la mort
quand il vient à notre secours sans pitié.


ÉTÉ


La mort
ouvre dans la charmille l’horizon des événements où
le jardinier démarie les géraniums,
serrant sa chair comme un couteau.
Le crachin, il le cisaille de son eau ligneuse,
tranche dans sa forme scalaire ; la vie est là 
à genoux. Nous aussi tardons dans le rêve
au milieu de ces gants ordinaires.
Le jour arrive au bout de ses éclaircissements.

De la maison, on coupe à travers les thuyas,
les renouées ; on court en agitant au-dessus de nos têtes les
chiffons de la tristesse.
Dans notre dos, les montants de la véranda nous mènent
la vie dure : jamais aucune fleur n’y dressera la table
en mémoire de nous. Nous dépassons les semis ; mais comment croire
qu’on franchira le premier des boutons de roses
pour parvenir jusqu’à la table de fer forgé où ma mère
attend – saines et sauves ?


L’INFERNET


À ton réveil la nuit s’esquive et laisse
les papillons en pantenne desserrés
sous les feuilles. C’est l’automne qui va,
suspendant au puits le sceau de l’enfance,
rapiéçant les breuils d’un fil de plomb,
jetant ses câbles dans la largeur des emblavures.
Les organistes savent que tout jardin
n’est qu’une ronce pointée.
Et puis toi : magnitude absolue de mes mains refermées.

11 mars 2024
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