Olivier-Georges Gaillard | Poèmes



Olivier-Georges Gaillard est né en 1975, à Ygos-Saint-Saturnin, village des Landes. Il était bûcheron.
Entre 1989 et sa mort, en 2005, il a rempli 200 cahiers d’une écriture compulsive. Les manuscrits sont conservés par sa soeur. Ils contiennent des récits de rêve, des épisodes autobiographiques, des listes, des poèmes. Aucun extrait n’a paru de son vivant.
Une biographie d’Olivier-Georges, écrite par Christophe Ségas, paraîtra début 2026 aux éditions du Chemin de Fer.


I.

depuis l’après-midi de terreur
où nous sommes nés une deuxième fois
la voix des pins
se répand
par nos gorges


II.

ils sont douze ou quinze aujourd’hui
en nous
douze ou quinze à vouloir parler
par nos lèvres

esprits de branches et d’aiguilles
à la peau crevassée
s’enflamment d’un trait

mâts calcinés

ils revendiquent une place
dans nos moelles -
pour les réduire au silence
notre agressivité de bête chair et ongles
ne suffit pas


III.

les fleuves de feu progressent -
hypnotisés par les vibrations rouges
nous aurons oublié l’art de fuir

une entité providentielle
heurtera notre sens des réalités
contredira nos rationalités
nous trompera
par des copeaux de mythologies -

et nous hurlerons
les deux seuls mots que nous saurons encore
pitié
merci


IV.

éclairer chaque idée
par d’autres feux
sous d’autres angles

dire
uniquement pour avoir
quelque chose à redire


V.

le fauve déchire
ventre et pensées
de la forêt

les aiguilles ont le parfum
des feux à venir

les cônes brûlent déjà
l’espace tête-bêche

nappe de suie
sur la lande carbonisée
souvenir d’un rougeoiement -

hier
dans la nuit l’incendie
et la mémoire à peine


VI.

à l’âge des arborescences
nous nous roulions dans la terre acide
jambes et sexes nus
accouplés à la forêt
la poitrine engluée
par la sève et l’eau croupie

14 septembre 2025
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