Etienne Faure | Séries parisiennes

Étienne Faure, Séries parisiennes, Gallimard, juin 2024

Seize séries en prose et en vers pour circuler dans un Paris furtif, loin du pittoresque. Des instants de vie attrapés via des angles de vue inédits : côté ciels, côté sol, côté mains, côté gare, côté chambre, côté planches, côté bêtes, côté H... Et des haïkus dans l’escalier, côté cage... Des textes publiés d’abord en revues. Par chance.

Côté ciels

Il y a dans le ciel livide de la Salpêtrière des libellules de la famille des hélicoptères qui viennent se poser sur le toit juste au-dessus des Enfers et du bloc opératoire, où les dieux en blouse diagnostiquent les erreurs, s’avisent de leurs ablations, déconstruisent l’avenir, l’envisagent, l’amputent, finalement renvoient à la Nature, qu’elle se débrouille, la grande, qu’elle ouvre une hypothèse et la referme, la bouche, qu’elle crie ou prie, pile ou face.
La mort est par-dessus les toits de zinc et d’ardoise, colère anthracite certains soirs ; c’est curieux comme Paris avec le gris toujours depuis son existence rime.

Descente

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Côté bar

Le soir bien exposé à la terrasse d’un café cramoisi, extasié, on meurt comme il fut de bon ton jadis en Italie d’en finir, entré en religion dans la pénombre des musées, interdit – Ah ! – devant quelque tableau, cette mortelle pâmoison continuant de sévir d’identique façon dans le désir des corps aimantés par la lumière quand déambule sous la colonne de Juillet, beau platane d’or et de vert-de-gris, un mouvement des hanches – la vie – et qu’on en meurt.

mortelles pâmoisons

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Côté bêtes

A Paris plus arquées sous le poids des oiseaux en forte densité, les branches ploient puis se redressent, au gré des envols réguliers révèlent, en un coup d’aile, l’emploi du temps assez chargé des moineaux qui passent, effrontés, à l’attaque, cette catégorie poids plume éternellement briguant la pitance assez mal défendue des pigeons lourds en tout, même en amour, ceux-là, dépités, emportant leur courroux catégorique, les autres, haut la main, la lutte acharnée pour le pain.

dans la catégorie des voleurs légers

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Côté sol
Dans le sens du trajet, le même, sur deux strapontins côte à côte, les sosies à deux âges d’écart se renvoient un moment ce qu’ils furent ou seront, mis en présence en leur fraternité souterraine par une mère invisible, indivise, un instant qui les lia dans la même rame, le temps que leurs jours comptés sous terre autant qu’en surface par hasard se croisent, ici en quatre stations qui unirent – le trafic se poursuivant – le jeune et le vieux périple d’un semblable visage.

les quatre stations

Rendez-vous au marché de la poésie, « côté Saint-Sulpice »

17 juin 2024
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