Pierre Antoine Villemaine | Une histoire vraie
Laisser la parole. La laisser parler toute seule (J.D.)
Un jour je reçu de la Poste une lettre recommandée avec accusé de réception m’avertissant que mon compte était clôturé après que l’on ait constaté mon décès... - Oui je confirme, vous êtes bien décédé depuis le 16 de ce mois, me répondît l’employé en consultant son ordinateur. - Mais vous voyez bien que suis vivant ! - Ah, monsieur fait le malin ! Je vous dit moi monsieur que vous êtes mort ! – Et moi je vous certifie sur l’honneur que je suis bien vivant ! - Monsieur, vous l’avez déjà dit, c’est pas la peine de vous répéter et pas d’arrogance s’il vous plait. Je vous rappelle que nul n’ai sensé ignorer la loi. Il est tard, revenez demain matin à la première heure, présentez vous au bureau de la mort administrative qui enregistrera votre réclamation. Et veuillez accepter toutes mes condoléances, dit-il en enfilant son pardessus. Je vous souhaite bon courage, Monsieur le mort, ajouta-t-il en souriant, car la procédure est compliquée, exige des enquêtes de voisinage approfondies, des compléments d’enquêtes, des recoupements, des contre-enquêtes, des vérifications minutieuses et tout cela peut prendre un certain temps. Il fila et me laissa seul sur le trottoir de la mairie. A cet instant j’eu l’intime conviction que cette déclaration de décès n’était pas due au hasard mais bien le fruit d’une dénonciation anonyme. Les bonnes habitudes reviennent vite en ces temps troublés. Je n’avais pourtant pas d’ennemi déclaré et peu de bien. Qui pouvait se soucier de moi, qui donc ? Je n’intéressais personne. Ma vie était des plus banale, personne ne faisait attention à moi dans les rues, pas même les chiens et pourtant je les aimais bien les chiens. Personne n’avait songé à écrire ma biographie. J’avais eu une vie sans histoire et je n’avais jamais fait d’histoire à personne. J’étais transparent, à la fois mort et encore en vie, sans doute mort depuis bien longtemps.
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Je vous en prie racontez-moi une vraie histoire avec de beaux personnages, une belle intrigue – une histoire d’amour ou de passion contrariée par exemple, subtile mais pas trop compliquée. N’oubliez pas de mignoter les costumes. Si on n’aime pas les choses tristes, la fin se doit d’être heureuse, mais surtout n’oubliez pas qu’une petite dose de chagrin est nécessaire au déploiement émotionnel qui obéit à des lois strictes et reconnues. Bien entendu une fin triste et déchirante conviendra à ceux qui aiment les histoires tristes et déchirantes. Dans tous les cas, un dénouement bien ficelé est indispensable, il faut le soigner afin de clore au mieux la séquence. Une bonne fin permet de passer à autre chose, à une nouvelle histoire par exemple qui à son tour se terminera au mieux afin de passer sans encombre à une autre histoire. - Qu’en pensez-vous ?
5 février 2024