Samira Negrouche | Traces
Alger, février 2021
La ville est une langue prise d’assaut par la mer
la ville est une langue chargée au bord du récit.
Au bord du bord
elle déborde la ville
sa langue est tuméfiée.
Tu te tiens à sa pointe, à l’endroit où remontent les verbes agités.
la pointe contre la mer enfle
la mer contre la pointe refroidit ton pouls
le pouls de la langue qui enfle
la mer contre le bout de ta langue appelle
la langue contre la mer se décharge.
Mon corps se balance
sur l’axe de midi
il perd le Nord
il se balance.
Le vertige guette
la poussière guette
les klaxons guettent
les roues, les roues
les roues de toutes les dimensions
me guettent
et les caniveaux !
Le caniveau me guette !
Mon corps se balance, il esquive, tête calée sous le poids tout juste insupportable, je courbe juste assez pour éviter la rature, pas de rature sur ma courbe, je ne me dandine pas, j’ai fière allure, je me balance juste assez pour éviter la roue, la petite roue, la grosse roue et le caniveau qui me guette, qui me guette encore,
il a ma préférence.
Sur l’axe de midi, le vertige me frôle
je n’arriverai pas à la pointe
je ne me déchargerai pas de sitôt.
Mes mains se balancent
ni gauche ni droite
leur mouvement est plus complexe
me croyais-tu sortie d’une chaine mécanique ?
Oh ! Si tu restais là à me regarder…
Si tu avais cette patience, dans l’axe de midi brûlant, tu verrais jusqu’où mes mains balancent dans tes pupilles
Samira Negrouche, Traces, éditions Fidel Anthelme X, coll. "La Motesta", 2021