Stéphane Lambion | Shift + Cœur (1/2)

nous sommes le lundi 13 avril 2020, il est un peu moins de cinq heures du matin, je suis en train de dormir sous la tente que j’ai installée dans le jardin lorsque soudain

rien ne se produit : il est six heures du matin et je dors toujours, il est sept heures et je suis encore endormi, la lumière du soleil commence à percer à travers la toile de la tente mais je garde les yeux fermés, je me retourne à peine dans mon sac de couchage et somnole pendant une demi-heure de plus au cours de laquelle toujours

rien ne se produit : ce n’est que lorsque le chien des voisins se met à aboyer que je décide de me lever ; mon duvet est très humide – j’avais oublié de fermer l’ouverture du toit avant de me coucher – mais je n’y prête pas attention puisque

rien ne s’est produit : j’enfile mes chaussures et je prends un bol dans la cuisine, j’y verse des céréales et du lait, je lance le café et j’allais ajouter que j’avale mes deux pilules du matin mais

rien ne s’est produit, je n’ai aucun médicament à prendre – juste mon café à boire, mes céréales à manger, puis je déplace une chaise sous un rayon de soleil et rouvre le roman commencé la veille : j’en suis, il faut le dire, à un chapitre où

rien ne se produit encore mais je sens que ça va venir, alors j’enregistre ma lecture pour I. qui, quelques heures plus tard, me lira à son tour le chapitre suivant – on s’occupe comme on peut lorsque

rien ne se produit :
aujourd’hui est identique à hier qui ressemblera à demain,
aujourd’hui je n’irai pas à l’hôpital :

il est si peu probable que j’y aille que je pourrais, pour me divertir, écrire un texte où je m’imagine que je suis réveillé dans la nuit par, mettons, mon cœur qui n’aurait pas eu assez de sang, si bien que j’irais voir un médecin qui me dirait, quelle blague, que j’ai failli mourir.


17 novembre 2021
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